Le CSA, et l'équité des scandales

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 35 commentaires

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Heureusement, le CSA veille. Et le CSA, dans sa sagacité, a bien remarqué

un curieux phénomène. Tout au long du mois de février, les radios et télés placées sous sa surveillance ont bien davantage traité d'un candidat, le nommé Fillon François, que de tous les autres. "A moins de 15 jours de la fin de la première période d'équité qui s'achève par la publication de la liste officielle des candidats à la présidentielle, le Conseil a constaté que la part des temps de parole et d'antenne de M. Fillon était anormalement élevée" souligne le CSA, qui se déclare néanmoins "conscient des circonstances particulières de la couverture médiatique de la campagne de ce candidat" (car le CSA, il ne faut pas en douter, suit l'actualité).

Le gendarme de l'audiovisuel, comme on dit, précise être "néanmoins préoccupé de la possibilité pour les autres candidats de bénéficier d'ici la fin de la période d'une exposition équilibrée au regard du principe d'équité et demande instamment aux éditeurs d'y veiller."

Si l'on comprend bien la recommandation gendarmesque, il s'agit donc, soit d'inventer aux autres candidats des "affaires" comparables au Penelopegate, soit de mettre la pédale douce sur les affaires Fillon.

Aussitôt demandé, aussitôt accompli. Et le 20 Heures de France 2 consacrait hier soir son tout premier sujet à passer en revue la flopée de responsables socialistes ayant rallié, ralliant, ou sur le point de rallier Macron, au nom du "vote utile". Delanoë s'étant déclaré dans la journée, c'était l'occasion ou jamais.

Soyons juste. Comme cela ne suffisait pas, le deuxième sujet du journal se penchait sur une "affaire" Macron, révélée le jour même par Le Canard : les conditions du voyage de l'alors ministre de l'Economie, à Las Vegas, en janvier 2016. Macron y était allé, à la tête d'une délégation de start ups françaises, porter haut le drapeau de la "French Tech" dans ce rassemblement mondial des start ups. Le problème ? L'agence d'événementiel chargée de ce voyage (Havas voyages, groupe Bolloré) a-t-elle été désignée sans appel d'offre ? Question certes importante, mais dans laquelle, de l'avis du spécialiste Justice de France 2, convoqué pour l'occasion, la responsabilité de Macron n'est "pour l'heure" pas engagée.

Qui se plaindra que la télé d'Etatconsacre une grande place aux révélations du Canard sur le favori de l'élection ? Sauf que. Sauf que dans le même numéro, le même Canard révélait (encore) une (nouvelle) affaire Fillon : l'octroi d'un prêt sans intérêt de 50 000 euros, par son ami Ladreit de Lacharrière (oui, celui de La Revue des deux mondes), prêt que Fillon avait "oublié" de déclarer à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Sur ce prêt, donc, pas un mot chez Pujadas.

Chacun appréciera, en fonction de multiples critères, la gravité respective des deux accusations. Les 50 000 euros sans intérêt de Fillon valent-ils un demi Las Vegas ? Un Las Vegas entier ? Deux Las Vegas ? Reste que c'est un curieux système, dans lequel les temps d'antenne entre les scandales sont répartis au poids, et non en fonction de leur gravité respective.

Temps de parole des candidats et de leurs soutiens depuis le 1er février

(Source CSA, Infographie Le Monde)

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