Le crash, réservoir d'histoires

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 79 commentaires

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Je vais vous poser une question ... farfelue, mais au milieu des débris, est-il absolument inenvisageable de retrouver un canot de sauvetage ?

"Je vais vous poser une question ... farfelue, mais au milieu des débris, est-il absolument inenvisageable de retrouver un canot de sauvetage ?" demande Pujadas à son expert du jour. Il ne faut pas se moquer de Pujadas, dont la naïveté et l'enthousiaste voracité révèlent toujours les désirs inconscients de la Machine. Des rescapés, quelle belle histoire ce serait ! "Génial !" s'était-il exclamé dans une séquence d'anthologie, en découvrant en direct l'attentat contre la deuxième tour du World Trade Center, le 11 septembre 2001. Génial ! Enfin de l'action, du drame, des histoires, de l'Histoire !

On en est encore là. Un accident d'avion est toujours un fascinant réservoir d'histoires de différents registres. Au troisième jour, la catastrophe de l'Airbus d'Air France se subdivise en récits de nature différente. La recherche et l'identification des débris, reste la branche principale. Que s'est-il passé, exactement ? Les débris repérés au large du Brésil sont bien ceux de l'Airbus, ça vient de tomber, annonce fièrement Fogiel sur Europe 1 (le décalage horaire est bon pour les radios du matin). Après la foudre, qui vient apparemment de bénéficier d'un non-lieu, c'est le givre qui est l'accusé du jour. Jusqu'au prochain scénario.

Mais ce n'est pas sur cette partie-là que débute le journal de 8 heures de France Inter, qui préfère privilégier la rétro-biographie des passagers, autre filon sûr et inépuisable. Le couple brésilien qui partait en lune de miel en France, l'entreprise du Sud-Ouest qui avait offert un séjour au Brésil à ses dix meilleurs commerciaux, les défaillances de l'aide psychologique offerte par Air France, qui s'est limitée aux familles présentes à Roissy, et a négligé celles qui demeurent en province : cette branche-là promet de concurrencer la précédente pendant plusieurs jours. Sans oublier la dimension économique, qui pointe aussi son nez au troisième jour. Air France ne semble pas devoir souffrir du crash, révéle, un peu honteuse, une journaliste de France Inter. Le cours de l'action est même monté dans la journée de mardi. Elle est manifestement choquée elle-même de ce qu'elle vient d'apprendre. Elle se serait sans doute attendue à un dévissage de l'action, à un dépôt de bilan, peut-être. Elle nous donne l'information parce qu'il le faut bien, mais avec d'infinies précautions.

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