L'avion et le chaos

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 87 commentaires

Le moteur tourne. Devant l'Airbus, Emmanuel Macron explique qu'il souhaite aller vers "un avenir sans pétrole, sans gaz, sans charbon, un avenir sans carbone"

Le moteur tourne. Dans un instant, cet avion l'emportera vers la Roumanie (De Gaulle aussi était parti en Roumanie en Mai 68. Il y avait été acclamé, ça l'avait changé des rues du Paris de l'époque). Le moteur tourne. Combien de kérosène, un vol Paris-Roumanie, et retour ? Avec peut-être une extension Ukraine. Peut-être, mercredi, apprendra-t-on, quelle surprise, que se rajoute une étape en Ukraine. Cela fera une autre image forte. Une par jour, c'est la dose. "L'avion symbolise le désordre du monde",précise au Parisien un stratège présidentiel de l'image. Voilà. C'est cela. Le désordre du monde. L'Ukraine. Les crises alimentaires. Le chaos. Surtout, ne pas y voir autre chose.

Les lycéens de la filière générale s'apprêtent à passer le bac philo. Dans un lycée de la région parisienne où s'est rendu la radio Franceinfo, on a fait en sorte d'éviter les salles exposées au sud, des températures de plus de 30 degrés étant prévues. En cas de malaise d'un élève dû à la chaleur, il n'y aura pas d'infirmière scolaire. Souffrante, elle n'est pas remplacée. C'est un fait isolé, ces salles d'examen fournaises, cette infirmière non remplacée. Surtout pas y voir autre chose, comme un signe du chaos qui est déjà parmi nous.

Emmanuel Macron, il le dit et le répète, a besoin d'une "majorité solide" pour défendre les "institutions" et la "République" contre le chaos à l'ukrainienne, et "les extrêmes". L'identité de ces "extrêmes" n'est pas précisée. Les trois jours précédents, les responsables de la majorité, noyés dans leur redécouverte de la rhétorique gaulliste des années 60, n'ont pas semblé savoir si Mélenchon était exactement aussi "extrême" que Le Pen, ou seulement un peu moins, si l'on pouvait construire avec lui un "front républicain". Un jour oui, un jour non, le lendemain peut-être. Tout s'accélère toujours, entre les deux tours d'une élection. Ca s'emballe, ça déraille. Tout le contraire des réacteurs de l'avion, qui s'opposent paisiblement au "chaos du monde".

"Vous avez vu le bazar à l'Assemblée avec un groupe de 17 ?", demande François Bayrou. C'est vrai. À 17, les Insoumis ont mis un sacré "bazar". L'Ukraine dans l'hémicycle. Le Parlement n'est pas fait pour qu'on y mette du "bazar". Dans une "République" fière de ses "institutions", le Parlement est fait pour ronronner paisiblement, comme un avion sur le tarmac, et pour répondre aux commandes, tenues fermement. Il est fait pour exécuter un "programme", que l'on ne connait pas à l'avance, Emmanuel Macron, aux commandes, n'en ayant rien dit. Mais il faut néanmoins une "majorité solide". Le moteur tourne.

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