Lauzier, génie réac

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 25 commentaires

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Comme tous les morts, comme l'abbé Pierre

ou Soeur Emmanuelle, Lauzier, ce matin, est universel, et chacun le pleure. Ca l'aurait bien fait rire: rarement l'hommage funèbre aura aussi bien masqué les aspérités du disparu.

Pour tous les adolescents des années 70 qui le découvrirent dans Pilote (ô délicieux frissons du mardi matin), Lauzier fut un choc. De toute la floraison de dessinateurs offerts par Goscinny aux piloto-maniaques, en voilà un qui était de droite. Résolument, désespérément de droite. D'une droite plus à droite que la droite politique. Jeune cadre épuisé, ou ado provocateur à la table familiale: Lauzier ne dessinait de révoltés contre l'Entreprise, contre le Profit, contre l'Ordre des choses, contre l'Autorité, que névrosés, frustrés, pervers aux yeux vides. Les figures paternelles, en revanche, respiraient le bon sens et la stabilité. La société reposait sur elles, sur un cynisme assis sur l'expérience de la vie, et c'était très bien ainsi.

Le dévorant planche après planche, on haïssait Lauzier de nous haïr ainsi. On y était addict, et on avait honte. On l'admirait d'exprimer ce qu'aucun politique de droite, aucun jeune écrivain, tous tétanisés par 68, n'osaient exprimer. Plus tard, pour le cinéma et le théâtre, Lauzier brida son génie réactionnaire, et versa dans le gnangnan consensuel. Il démontra que la récupération fonctionne aussi dans ce sens-là.

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