L'Amérique ? Et alors ?
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 41 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Une moquette rouge vif
,
des candidats juchés sur des tabourets de bar : le journal de 8 heures
de France Inter débordait de détails sur le cadre du deuxième débat
McCain-Obama. Comme d'habitude. |
Et d'habitude, quoique l'on nous vende à propos des Etats-Unis, nous "achetons l'histoire", comme disent précisément les Américains. Nous achetons, comme nous n'avons jamais acheté, à propos d'aucune autre région du monde. A propos de quel autre pays, l'appareil médiatique se sentirait-il obligé de nous préciser la couleur de la moquette de la salle accueillant un débat présidentiel ?
Depuis 1944, depuis l'arrivée des chewing gums et des cigarettes blondes, nous regardons l'Amérique au microscope. Nous avons grandi avec elle. Chacun de ses hoquets, chacune de ses respirations nous concerne. Amour, haine, qu'importe ? Nous adorons la détester. Sa musique, son cinéma, ses comics, ses gadgets, ses élections, ses phobies : combien de journalistes européens, à New York ou Los Angeles, comparés au nombre de confrères en poste à Moscou, Pekin ou Delhi ? Combien de politiciens étazuniens sommes-nous capables de citer spontanément ? Contre combien de Russes, combien de Chinois, combien d'Indiens ?
Mais la faillite de Lehman brothers, ce 11 Septembre de l'argent, a cassé quelque chose. Quelque chose d'imperceptible. Ce n'est pas de l'ordre de l'amour ou désamour. Entre le spectacle permanent étazunien et nous, s'est glissée l'impression que finalement, tout bien pesé, le moindre de ses aléas ne nous concernera plus obligatoirement. L'évidence de l'importance des nouvelles de là-bas s'est brisée. Son interminable guerre d'Irak, son ingagnable guerre d'Afghanistan : quoiqu'il arrive, plombée par la dette du plan Paulson, elle aura demain encore moins de moyens de les gagner qu'hier. Alors, McCain ou Obama, finalement, qu'importe ? Cette indifférence nouvelle est peut-être injustifiée. Qu'Obama ou McCain soit élu, ne sera certainement pas indifférent au retour de la confiance, et à la tournure de la crise financière. Mais l'impression est tenace. L'Amérique ? Et alors ?