Laïcité : sur une grève de rentrée à Lyon

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 83 commentaires

Que s'est-il passé début novembre 2020 devant le collège des Battières, dans le 5e arrondissement de Lyon ? Une chose est certaine, un professeur d'histoire et géographie a été pris à partie verbalement, devant le collège, après un cours sur la laïcité, par un parent d'élève lui reprochant des propos islamophobes. Seconde certitude, les enseignants du collège sont en grève depuis la rentrée de janvier.

A l'heure où j'écris, quatre récits de presse locale, globalement convergents à quelques détails près, sont disponibles (ici, ici, ici et ici). D'autres sont sans doute à venir. 

Sur la prise à partie, tout le monde s'accorde. Le parquet, qui a très rapidement classé sans suite en novembre la plainte de l'enseignant, a expliqué à l'AFP que le parent avait contesté "avoir agressé ou tenu des propos injurieux ou diffamatoires à l’égard de l’enseignant, même s’il admettait que le ton était monté, ce qu’il regrettait". "Devant les enquêteurs, précise Le Progrès, l’enseignant n’a pas fait état non plus de menaces ou d’injures, ni de violences, ce que l’audition d’un témoin direct de la scène a confirmé."

Tout aussi établi, le fait que le parent concerné a refusé à deux reprises une rencontre avec l'enseignant, proposée par l'institution. Il est également admis qu'une des filles de ce parent est venue le lendemain au collège avec un couteau, et a été pour cela exclue une journée, sans passer par le conseil de discipline.  Les quatre récits convergent enfin, en creux, sur l'absence de tout détail sur le cours concerné. Quels sont exactement les propos reprochés par le parent au professeur ? Dans quel cadre ont-ils été tenus ? Pas un mot, pour l'instant.

Mais c'est sur la réaction de l'institution, que les versions, comme à Conflans-Sainte-Honorine, sont les plus divergentes.  Si le rectorat affirme que "la direction de l'établissement a assuré l'enseignant de son soutien et de celui de l'institution", que "le rectorat a déclenché le protocole d'accompagnement et de suivi pour les personnels victimes d'agression", et même que le recteur a "adressé personnellement un courrier de soutien à l'enseignant", les enseignants grévistes ne livrent pas la même version. "Il a attendu une réponse de l'institution, du rectorat, qui a fortement tardé à venir et qui ne nous satisfait pas. Il n'y a pas eu d'acte fort de l'institution suite à cette prise à partie, déplore une professeure, interrogée par LyonCapitale. Ça s'est passé une semaine après l'hommage rendu à Samuel Paty dans notre établissement. Le gouvernement a fait beaucoup de déclarations quant à la défense de la laïcité. Et notre collègue n'a pas été soutenu tel qu'il aurait dû l'être". Les enseignants demandent notamment que les enfants du parent concerné soient affectés dans d'autres établissements, et que ce parent soit convoqué en bonne et due forme. 

À toutes ces nuances, à toutes ces subtilités, les médias nationaux auraient sûrement été indifférents avant l'assassinat de Samuel Paty. Depuis cet assassinat, il apparait indispensable de fournir les informations factuelles les plus complètes possibles, avant que s'en emparent les délires conjugués des réseaux sociaux et des chaînes d'info. À propos d'informations factuelles, l'enseignant concerné, qui a été changé d'affectation "à sa demande", précise le rectorat, parle aujourd'hui d'une reconversion en tant que cuisinier dans la restauration collective "afin de nourrir, non plus les cerveaux, mais les ventres". "Le rectorat lui a proposé un accompagnement dans cette voie" indique le rectorat, sans préciser si cet "accompagnement" s'inscrit dans sa démarche de "soutien".


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