La mine d'or et les arbitres

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 51 commentaires

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C'est l'histoire d'un projet de mine d'or, à ciel ouvert, en Roumanie.

Un ex-projet, plutôt. Le projet prévoyait d'araser des montagnes sur 40 kilomètres carrés, des déplacements importants de population, et l'utilisation massive de cyanure pour extraire l'or des rochers. Pour stocker les eaux contaminées au cyanure, le projet prévoyait de creuser un bassin de rétention de 4 kilomètres de longueur, sur 2 kilomètres de largeur. Après bien des péripéties, et de tumultueuses manifestations jusque dans la capitale, à Bucarest, le gouvernement roumain, qui l'avait d'abord autorisé, a finalement interdit le projet de Rosia Montana (c'est le nom de la ville la plus proche).

Happy end ? Pas vraiment. S'estimant lésée, l'entreprise canadienne qui portait le projet, Gabriel Resources, attaque le gouvernement roumain, par une procédure d'arbitrage international. Estimant avoir investi dans le projet 630 millions d'euros, elle demande néanmoins 4 milliards de dédommagement, sur la base des profits qu'elle espérait réaliser. "Oui, vous avez bien entendu", précise le commentaire d'Envoyé spécial.

Car c'est Envoyé Spécial, qui revient sur la mine de Rosia Montana, dans une enquête sur les procédures d'arbitrage international, telles que prévoient de les multiplier les accords commerciaux internationaux. Sur le cas de l'ex-future mine roumaine, l'émission détaille la procédure : un arbitre nommé par l'entreprise canadienne, un autre par le gouvernement roumain, et la présidente désignée par les deux premiers. Sur le papier, la procédure peut sembler équitable. Mais l'émission revenait aussi sur les coups bas présidant à la désignation de ces arbitres internationaux (fonctions copieusement rétribuées), et aux conflits d'intérêt qui les affectent parfois (récit sur le site StopTAFTA ici, et articledes Echos est ici).

Avec des exemples simples, parlants (je vous conseille aussi l'histoire des pressions du cigarettier Philip Morris sur le gouvenement du Togo, pour tenter de faire obstacle à l'obligation de "neutraliser" les paquets de cigarettes) Envoyé Spécial met en lumière les dangers de cette procédure, et permet de comprendre l'opposition à ces traités, négociés dans la digne opacité qui sied à la vie des affaires. L'émission tombe parfaitement, alors que le traité entre l'UE et le Canada, le CETA, entré en application provisoire le 21 septembre, doit maintenant être ratifié par les parlements nationaux. Pour une fois, je n'ai pas grand chose à ajouter à cette émission, sinon qu'il vous reste six jours pour la regarder en replay.

Manifestation à Bucarest en 2013 contre le projet Rosia Montana

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