La France offre une idole aux Beautiful du monde

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 150 commentaires

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Et la bulle devint le Barrage, ce qui témoigne d'une belle plasticité.

Et d'une belle Baraka. Il y aura fallu l'effondrement de Fillon, l'auto-démasquage de Le Pen, la neutralisation mutuelle de Hamon et Mélenchon, tout cela conjugué à la fascination auto-réalisatrice de la presse pour la success story. Et les bonnes fées Niel, Arnault, ou Lagardère, ont-elles actionné leurs baguettes ? Elles étaient là, cela suffisait.

Voyons-le s'avancer seul dans la Cour Napoléon du Louvre, produisant (enfin !) une image-symbole, solitude et clairs obscurs, façon Mitterrand au Panthéon : le Barrage est plutôt joli garçon. Il ne fait pas honte à regarder. On s'opposera, on combattra, mais on n'en aura pas honte. C'est déjà ça. Les scénographes ont travaillé, à la différence des paroliers : les deux discours du soir sonnent étonnamment creux. Il faut vite présenter des speech writers à ce littéraire qui parle pourtant à mots choisis. Ce serait dommage de devoir couper le son pour le regarder, et de se contenter de commenter les tenues de Brigitte, en cosmonaute seventie LVMH.

Il est joli garçon et il le sait, qui s'est embeddé une photographe, Soazig de la Moissonnière, avec l'arrière-pensée si transparente d'être son Pete Souza, photographe de l'épopée Obama. Regardez-le ici à l'arrêt, attendant le top départ de l'Hymne à la joie. Bons débuts, mais il faudra le décoincer encore un peu, Soazig, si vous durez...

La pyramide du Louvre est une bonne idée, très macronienne : Ancien Régime et Révolution fusionnés dans un même hommage. Rêve indicible d'une France où le joli Desmoulins fonderait une start up avec Marie-Antoinette, et où les sans-culotte s'embaucheraient chez Deliveroo. Seul problème : le triangle au-dessus de sa tête le range illico dans les Illuminati. On est parti pour cinq ans de rigolade dans la complosphère. Si vous ne voyez pas de quoi je parle, regardez notre émission de l'été dernier. Ou regardez ici.

Le Barrage est jeune, la télé le souligne toutes les trois secondes et demie. 39 ans, le chef d'Etat français le plus jeune depuis Bonaparte (encore), Seule question : le Barrage se sait-il Barrage ou bien, avec toute cette blondeur autour de lui, à force de fausses paparazzades, se prend-il pour un Grimaldi ? Autour de sa jeunesse, vont frétiller les Vieux : il faut les voir, sur les plateaux, les Bayrou, les Royal, les Copé, les Dray, les Baroin, préfigurer un quinquennat de magouilles et d'embrouilles, et co-produire en attendant la soirée électorale la plus emmerdante de toute la Ve République. Face à eux, quelques pâles macroniens (Castaner, Griveaux), s'efforcent d'exister. Et le vieux Collomb ! Cachez-le celui-là !

Le Barrage est surtout européen et mondialiste bien entendu, et son élection enterre pour longtemps l'idée de Frexit, que plus personne ne porte en France, après le dégonflage de la baudruche Le Pen (Marine j'entends. La nièce est à l'affût). Comment cette idée put séduire, avant de terrifier : Todd en livre une explication démographico-éducative. Elle reste à compléter. En attendant, pendant que les Beautiful de tout l'Occident s'offrent une nouvelle idole, onze millions de voix grondent dans la pénombre.

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