La droite, Jeanne d'Arc, et l'évasion fiscale
Daniel Schneidermann - - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 57 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Dans le bouquet de propositions baroques que nous aura valu ce mois passé
à la foire-expo de la Droite Eternelle, il faudra conserver une place de choix à l'affaire des programmes d'Histoire. Les données sont connues. Pour sauver l'âme de la France, il importe de réécrire un "roman national". Ou, disons, au mieux, un "récit". Et d'en réhabiliter les principaux personnages, de Clovis à Napoléon, en passant par Jeanne d'Arc et Louis XIV, ignominieusement chassés des manuels par l'étude des empires africains, et autres curiosités exogènes. Fillon n'est pas le premier à avancer le thème. Le Figaro Magazine le répète chaque année. Voici plusieurs années, des livres ont mené la bataille, avec tapis de bombes médiatique. Nous y avions alors consacré une (très houleuse) émission.
La nouveauté de la saison 2016, c'est que Fillon, pour éviter les périls de "l'idéologie", veut faire réécrire les programmes d'Histoire par "des académiciens". C'est bien connu, l'académicien n'est pas idéologue. Jean d'Ormesson n'est pas idéologue. Alain Finkielkraut n'est pas idéologue. La secrétaire perpétuelle de l'institution, Hélène Carrère d'Encausse, est tout sauf une idéologue. Cette capacité d'aveuglement à l'idéologie de son propre camp, voilà le marqueur le plus pur, le plus sûr, le plus authentique de la Droite.
Comme tous les autres débats médiatico-politiques concernant l'éducation(la guerre du circonflexe, par exemple), celui-ci se mène dans une bienheureuse ignorance de la réalité des salles de classe, et même des instructions de programmes. Jeanne d'Arc, par exemple : ainsi donc, la Pucelle aurait disparu des manuels. Evaporée (je n'ose pas dire carbonisée). Sauf que ce n'est pas si simple. Dans ces fameux programmes, inextricable champ de bataille entre gauche et droite, on trouve tout et le contraire. Et même, mais oui, dans un coin, la Jeanne et son oriflamme, dont il importe de "raconter la vie", ainsi que celle de son ingrat petit roi de Bourges, Charles VII. Je découvre d'ailleurs en fouillant ces programmes que certains songeraient à compléter cette étude par d'autres "figures féminines", Catherine de Médicis, Anne de Bretagne, ou Aliénor d'Aquitaine. Si l'effort de parité est à saluer, j'aimerais savoir quelles arrière-pensées perverses animent les pédagogues qui voudraient vedettariser Catherine de Medicis, implacable figure associée à la Saint-Barthélémy. Quant à Alienor d'Aquitaine, elle constitue en effet une édifiante figure de libération de la femme, même si on comprend que sa biographie, par certains aspects, puisse déplaire à Sens Commun.
Bref, on aura vécu un mois dans la tête de la droite. De ces gens qui préfèrent s'écharper sur Jeanne d'Arc que sur l'évasion fiscale. Sur Clovis que sur les libertés numériques. Sur la disparition de Vercingétorix plutôt que celle des espèces menacées. Les meilleures choses ont une fin.