Journalistes, une balle dans la tête

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 99 commentaires

Après la "haine juste et saine" de Mélenchon à l'égard des medias, une balle dans la tête des journalistes, signée Macron. A une question, dans un point de presse, sur la nature exacte de sa visite "privée" au Taj Mahal, le nommé Emmanuel Macron, exerçant les fonctions de président de la République, a répondu en renvoyant la questionneuse dans ses cordes. Sujet interdit. Prière de ne s'intéresser qu'aux poules. Prière pour la presse de se contenter des photos, des magnifiques images de la photographe officielle, dans le lieu débarrassé de ses visiteurs pour l'occasion.

Mais le rembarrage ne suffit pas. Encore faut-il faire savoir que la questionneuse a été rembarrée. Encore faut-il glorifier l'exploit du Chef. A quoi s'employa aussitôt le compte Twitter, Team Macron.



Un "headshot", donc. Une balle dans la tête. Mais en anglais, c'est tellement plus chic. On ne sait pas qui est derrière le compte "Team Macron", tellement amateur de "headshots". On ne sait pas, par exemple, si les animateurs de ce compte sont payés, ou non, par l'argent public. Qui paie les snipers de Macron, est le secret le mieux gardé de la macronie. On ne sait donc pas si le mot "headshot" engage Macron. Si la personne exerçant en France, en 2018, les fonctions de président de la République, considère que les journalistes méritent une balle dans la tête.

Je reconnais un point d'accord avec Emmanuel Macron : il aurait été, aussi, intéressant de lui poser des "questions de fond". Par exemple sur le vieux et increvable projet de vente à l'Inde de six réacteurs nucléaires EPR. Ces réacteurs doivent être implantés dans une zone, Jaitapur, à "événements sismiques fréquents", comme disait Le Monde en 2017 -la zone a notamment connu un tremblement de terre d'une intensité de 6,3 sur l'échelle de Richter en 1994. Lors de ce voyage en Inde, Macron comptait apparemment faire avancer le dossier. Peut-être même cette question aurait-elle été plus intéressante que la question sur la visite au Taj Mahal. Mais pour le meilleur et pour le pire, ce sont les journalistes qui choisissent leurs questions.


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