Journalistes, un cauchemar de 2018

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 20 commentaires

Aux Etats-Unis, dans le Maryland, non loin de Washington, un homme fait irruption dans une rédaction, tire, et tue cinq personnes. L'information parvient en Europe dans la soirée. On pense naïvement que la tuerie va faire l'ouverture des journaux radio du lendemain matin. Les journalistes sont habituellement assez sensibles au sort de leurs confrères. Pas du tout. Je ne sais s'il faut s'en réjouir. Est-ce parce que le tireur présumé n'est pas islamiste ?

Le tireur présumé, du nom de Jarrod Ramos, est un cyber-harceleur. Il a une histoire commune avec la Capital Gazette d'Annapolis (Maryland). Il commence, en 2009, par cyber-harceler une ex-camarade de classe. Lorsqu'elle refuse de poursuivre les échanges, il l'envoie "se faire pendre". En 2011, la Capital Gazette consacre un article à l'affaire, en publiant son nom. Ramos poursuit le journal. Incapable d'étayer la diffamation, il est débouté. Dans les années suivantes, il est encore débouté, en première instance et en appel, de nouvelles poursuites contre le journal, cette fois pour violation de la vie privée. Depuis , il cyber-harcelait les journalistes de la Capital Gazette d'Annapolis (Maryland), créant par exemple un faux compte Twitter au nom de l'un (au moins) des journalistes de la Gazette. Certains journalistes de la rédaction disaient (pour plaisanter ?) s'attendre à ce qu'il vienne faire un carton. Le faux compte Twitter avait cessé d'être actif au début 2016.

Dès l'annonce de la fusillade, les époux Trump, en deux tweets distincts, ont assuré les familles des victimes de leurs prières et de leurs pensées. Donald Trump a ensuite refusé de répondre aux questions des reporters sur le sujet. Nul doute que tous les réseaux sociaux de Ramos seront épluchés, pour y déceler des traces de l'influence de Trump, et de ses diatribes anti-medias, sur ce passage à l'acte. Ce 29 juin, les journalistes rescapés de la Capital Gazette ont fait ce qu'ils savent faire de mieux : d'abord des tweets en direct, puis, ce matin, un journal.




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