Journalisme politique, et mystères de l'Essonne

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 8 commentaires

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Sacré métier, le journalisme politique.

On le redécouvre jour après jour. Prenons un fait : l'élimination, par les socialistes de l'Essonne, de Julien Dray, pour la tête de liste aux Régionales de 2010. Vous avez entendu l'information brute : les camarades socialistes ont refusé d'investir Dray. Si par miracle il était judiciairement innocenté le mois prochain, il récupérerait la place qui lui revient. Depuis cette décision, tous les socialistes qui s'expriment officiellement y sont opposés : elle constitue une atteinte scandaleuse à la présomption d'innocence, etc. Au premier rang des révoltés : Manuel Valls, maire d'Evry (Essonne), qui estime que Dray aurait dû être tête de liste. Où était Valls, quand a été prise la décision fatidique ? En promenade dans sa ville, certainement.

Bien. Et soudain, une intéressante contribution au débat : "aujourd'hui l'homme fort du département est Manuel Valls qui tient les commandes essentielles. Le président du conseil général est son vassal et le premier secrétaire son employé. Rien ne se fait sans son avis (...) C'est donc lui l'auteur de l'élimination de Dray avec l'appui enthousiaste de tous ceux qui tueraient père et mère pour qu'une place se libère et permette à la file d'attente des petits vassaux d'avancer d'un cran vers la lumière de l'élection automatique". Diable ! Qui est donc le hardi journaliste politique qui se permet ainsi d'appeler un chat un chat, et de pointer la responsabilité de l'innocent Valls dans l'élimination de Dray ? Un nommé Mélenchon, Jean-Luc, député européen de son état, et blogueur éminent (il était notre invité voici quelques semaines). "Je connais, j'ai tenu le rôle", ajoute Mélenchon, pour crédibiliser son analyse.

Ne connaissant pas les coulisses de la fédération socialiste de l'Essonne, je ne sais si Mélenchon a tort ou raison. Mais ce qu'il écrit sur les liens de vassalité entre Valls et les dignitaires socialistes départementaux ne doit pas être trop difficile à vérifier. L'hypothèse, en tout cas, n'avait été soulevée par aucun commentateur de la décision anti-Dray. S'il a raison, Mélenchon se révèle donc meilleur commentateur de l'opacité de l'Essonne que tous les commentateurs encartés. A tous ceux qui ont vu notre Ligne j@une de cette semaine, l'épisode rappellera cette tradition bien française, de porosité entre journalisme politique et militantisme. La tradition ne date pas de Degois ou Pégard. Elle est vieille comme le journalisme politique : vous devez absolument écouter Thierry Pfister, ancien éminent journaliste politique au Monde et à l'Obs dans les années 70, ancien conseiller de Pierre Mauroy à Matignon, expliquer que ces deux métiers n'en font qu'un seul. En toute logique, la passerelle devrait donc être empruntée dans les deux sens. Quel journal embauchera Mélenchon ?

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