@Jobs

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 251 commentaires

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Tiens, en voilà, un cas d'école.

Comment l'analyser, l'hommage tonitruant du système médiatique occidental, et de l'internationale des geeks, à la mort d'un grand patron californien qui faisait travailler des Chinois sous-payés dans des usines polluantes, pour créer des gadgets inutiles, imposés au public à coups de pub, et de matraquage marketing ? Comment l'analyser ? Un hommage justifié à un génie créateur ? Une habile et diabolique opération d'extorsion de consentement, que seul pourrait dénoncer un Chomsky, ou tout autre dissident radical ?

Vous êtes, nous sommes, bien embêtés. D'une seconde l'autre, on balance. Bienfaiteur ou vendeur ? Fournisseur de plaisir, ou de simple addiction ? Comme si le personnage de Jobs, l'apport de Jobs, et toute la mythologie Apple, n'étaient descriptibles que dans le balancement. Tyran, oui, mais visionnaire. Créateur, oui, mais pas inventeur. Indispensables gadgets, oui, mais gadgets tout de même. Bien embêtés devant cet oxymore en abîme, car réfléchir à notre rapport à Apple, c'est réfléchir à la tyrannie de la séduction, à notre soumission au plaisir, à nos aveuglements opportuns, à notre navrante capacité d'obéissance aux injonctions douces, si douces.

C'est le moment ou jamais de faire une déclaration de conflit d'intérêt. Alors voici l'aveu: chez nous, à @si, rares sont les bureaux sur lesquels n'est pas posé le tendre doudou. Et à côté de moi, à l'instant, alors que j'écris, je le couve des yeux, posé à mes côtés, le made in China fétiche et complice, qui ne me quitte plus jamais, ne juge pas mes manies inavouables, et où dorment ensemble mes musiques secrètes, mes tendres souvenirs, où des voix amies sont à portée d'un glissement de doigt, cette trouvaille infernale qui m'a capturé comme des millions, des centaines de millions d'autres.

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