Je suis Manuel !
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 139 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
"Pourquoi cette vexation ?" demande Pujadas à Saint-Cricq à propos de Manuel Valls.
"A-t-elle une dimension personnelle ?" Medialand est à l'unisson, tout hérissé de pancartes "Je suis Manuel". Toute la journée, tandis que Twitter n'en finissait pas de ricaner, l'info continue tartinait sur "l'humiliation" de Valls, contraint de se plier à la procédure commune, pour décrocher une investiture macronienne. Anne Sinclair a cru nécessaire de tweeter qu'elle trouvait "déplaisante" cette "humiliation publique". La palme à BFM, et à son bandeau tire-larmes, sur "le calvaire de Valls", tricard chez Macron, et menacé d'exclusion au PS.
Dans cette indignation, dans cette compassion, dans ces bandeaux, se révèlent dans toute leur crudité la vieille politique, les vieilles habitudes. Le Système, le vieux Système, pourrait même se définir ainsi : tout ce qui ressent et / ou exprime de la compassion à l'égard d'un responsable dont la politique et la stratégie ont été multi-rejetés par les urnes, parjure assumé, mais qu'il faudrait tout de même recycler sans fin, en repoussant sans fin sa date de péremption, pour la simple raison qu'il figure dans les carnets d'adresse, qu'il fait partie des meubles, qu'il a toujours été là. Faisons mieux : inscrivons Manuel Valls dans la constitution. Ce sera plus clair.
La procédure commune, une enquête du même 20 heures la dévoile quelques minutes plus tard. Envoyez donc votre CV et une lettre de motivation, on examinera votre candidature. Heureux hasard: l'équipe de France 2 arrive au QG macronien au moment précis où est abordée "l'affaire sensible du jour", l'affaire Valls. Décidément, chez Macron, on sait ce qu'on doit montrer aux caméras. Et ça semble mal parti pour Valls. Il faut dire que les conditions sont dures : les candidats sont censés envoyer, non seulement un extrait de casier judiciaire (vierge bien entendu), mais aussi "un compte-rendu de réputation sur Internet". Bigre ! Et répondre à des questions comme : "pourquoi pensez-vous être un bon candidat ?" Accessoirement, (mais France 2 n'évoque ce détail qu'au passage) il leur faut aussi avancer leurs frais de campagne. Parfait. Pas trop de bleus de travail, ni de cambouis, dans le panel. Il ne faut pas exagérer.
On se pince. Ils vont vraiment procéder ainsi, les barbares de chez Macron ? Apparemment oui, au moins pour certains sièges (le reportage de France 2 ne dit rien des circonscriptions réservées au MODEM, par exemple). Il n'est pas du tout certain que ce mode de sélection constitue un progrès démocratique. Il est même possible que ces députés sélectionnés par des DRH (et demain par des algorithmes ?) constituent une Assemblée plus croupion encore que les précédentes, mieux couchée devant le patron. Mais ne préjugeons pas. C'est la procédure choisie par le candidat désigné par les urnes. Au point d'ensablement où en est la démocratie, pourquoi ne pas essayer ?