Iran : une page de géopolitique illustrée

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 13 commentaires

Il y a des dossiers comme ça, on les lâche cinq minutes, et on n'y comprend plus rien. Prenez l'Iran. Je croyais qu'on était de nouveau amis avec l'Iran. Je croyais que la France cherchait des solutions, pour sauver ce qui pouvait l'être (peu) de l'accord nucléaire iranien, après le retrait de Trump. Je croyais qu'on déployait une intense activité diplomatique, que l'UE avait réfléchi tout l'été à un système de troc (détails à lire dans notre dossier Iran). Là-dessus, hier, grosse opération de police à Grande Synthe, près de Dunkerque, contre un centre culturel chiite, animé par une famille locale qui gère aussi un snack, une boucherie hallal et une boulangerie. Les grands médias l'ont signalé en une brève. Pourtant, vous savez quoi ? A en croire mes confrères bien informés, cette opération serait un signal adressé par la France à l'Iran.

Pourquoi adresser à l'Iran ce genre de "signal" ? Parce que la France soupçonne fortement l'Iran d'être à l'origine d'un attentat manqué, en juin dernier, contre un vaste rassemblement de 25 000 opposants iraniens des Modjahidine du peuple, à Villepinte, en Seine Saint-Denis. C'est un couple de trentenaires, arrêtés à Bruxelles sans doute sur renseignement du Mossad, qui devait commettre l'attentat.  L'explosif était dans le coffre de la Mercédès, et le détonateur dans une trousse de toilette. Les trentenaires se sont aussitôt mis à table, accusant un diplomate de l'ambassade d'Iran à Vienne, lequel a été arrêté en Allemagne pendant ses vacances, et va être extradé vers la Belgique. Je n'invente rien.

L'Iran parle de "malentendu". L'Iran devait fournir un alibi à Macron lors de la récente assemblée générale de l'ONU (c'est bien utile pour ce genre de choses, les assemblées générales de l'ONU) mais l'alibi n'est pas venu. D'où, descente de police contre ce centre culturel de Grande Synthe, où les visiteurs s'essuient les pieds sur un paillasson représentant le drapeau israélien, détail qui a frappé la chaîne israélienne i24news.  D'où aussi gel pour six mois des avoirs du renseignement iranien en France (car le renseignement iranien, si si, a des avoirs en France).

Vous me demanderez : puisqu'on était re-amis avec l'Iran, pourquoi ce projet inamical d'attentat en France ? Je n'en sais rien. Demandez à l'Iran. Ce que je lis entre les lignes des articles de mes confrères super-informés, c'est qu'il y aurait, en Iran, des tendances. La tendance du président Rohani, nos amis, avec qui on s'efforce de raccomoder l'accord nucléaire. Et la tendance du guide suprême Khamenei, lequel supervise le renseignement (la trousse de toilette, et les avoirs, si vous suivez). Lesquelles deux tendances, donc, ne seraient pas au mieux entre elles. Voilà. Si on ajoute à cela qu'à l'heure où se déroulait la descente chez les chiites de Grande Synthe, le ministre de l'Intérieur français, Gérard Collomb, réservait sur Voyagessncf.com son aller simple pour Lyon (Macron a accepté sa démission à minuit 35), si on y ajoute encore qu'à peine Collomb démissionné, la police a retrouvé (à quatre heures du matin) le braqueur en cavale Redoine Faïd, je crois qu'on aura compris : toute cette "séquence" avec espions en Mercédès et gendarmes masqués, en fait, est un hommage national subliminal, en impro totale, au regretté Pétillon, et à son Jack Palmer. Si Pierre Haski veut un jour prendre des vacances de sa chronique géopolitique de France Inter, je postule pour l'intérim.


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