Incohérences des propagandes génocidaires
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 195 commentaires
Dans les massacres de Boutcha – et d'ailleurs –, la Russie réfute toute responsabilité, rapporte le correspondant du Monde
à Moscou,
Benoît Vitkine. Elle se défend classiquement. Voyez comme ils bougent, ces prétendus cadavres ! Et de toutes manières regardez les dates, l'armée russe avait évacué la localité, quand sont survenus les massacres. Mais en même temps
que les télés officielles et les porte-parole gouvernementaux protestent de leur innocence, note Vitkine, l'agence (tout aussi officielle) RIA-Novosti publie le texte incendiaire d'un idéologue jusque là relativement inconnu au bataillon occidental, Timofeï Sergueïtsev, sur la nécessaire "dénazification"
de l'Ukraine.
Pour Sergueïtsev, il importe de "dénazifier"
non seulement "le sommet"
du pays, mais une partie (aux contours non précisés) du peuple. "En plus du sommet, une partie importante des masses, qui sont des nazis passifs, complices du nazisme, sont également coupables. Ils ont soutenu et se sont livrés au pouvoir nazi. Le juste châtiment de cette partie de la population n'est possible qu'en supportant les épreuves inévitables d'une juste guerre contre le système nazi, menée avec le plus grand soin et la plus grande discrétion à l'égard des civils"
.
À première vue, ces deux axes de la propagande russe sont totalement incohérents. S'il faut "dénazifier"
les complices actifs ou passifs des "nazis"
ukrainiens, les massacres de Boutcha, et d'ailleurs, sont parfaitement justifiés, correspondant assez bien aux exigences de cette "dénazification"
. Alors, pourquoi démentir ?
Une fois de plus, il apparait qu'une propagande génocidaire n'a aucun besoin d'être cohérente. La population à exterminer peut à la fois
être présentée par les génocidaires comme une irrésistible machine oppressive, et comme composée de sous-hommes, indignes de continuer à respirer le même air que les masses saines. Pour Radio Mille Collines, les Tutsis sont à la fois
des persécuteurs et des "cafards"
à écraser. Josef Goebbels ne voyait aucun inconvénient à présenter les juifs à la fois
comme une innommable racaille pathogène, qu'il importait d'isoler dans des ghettos, avant de l'expédier aux chambres à gaz, et comme une puissante communauté financière, lançant ses médias et ses armées contre l'innocente Allemagne nazie. La figure du milliardaire juif de Wall Street n'était nullement incompatible avec celle du bolchevik juif de Moscou. Quant aux juifs allemands, ils étaient à la fois
présentés comme un corps étranger, périlleux pour la pureté du sang allemand, et... interdits d'émigrer. La cécité des masses à cette incohérence est d'ailleurs un indice parmi d'autres de l'emballement génocidaire.