Humanitaire à la versaillaise

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 36 commentaires

Télécharger la video

Télécharger la version audio

Chacun ses goûts, chacun ses passions, ça ne se discute pas.

Certains collectionnent les papillons ou les chopes de bière, Catherine Pégard est amoureuse des présidents de la République française. Elle les aime tous, sans distinction. Elle les adorait quand elle était journaliste au Point, étirant cette fascination pathologique sur des pages et des pages. Logiquement, Sarkozy l'a donc embauchée comme conseillère politique. Et tout aussi logiquement, il l'a ensuite recasée à la direction du château de Versailles, où elle peut cultiver le souvenir de ces anciens présidents de la République, en encore mieux, qu'on appelait les rois de France.

Catherine Pégard est l'invitée de Léa Salamé, sur France Inter. Comme elle ne peut pas s'empêcher, elle défend les présidents de la République contre les méchantes langues, qui les accusent d'indifférence à la culture. Si si, ils vont au théâtre, ils s'intéressent, faut pas croire. Mais elle n'est pas venue parler de ça. Elle est venue parler d'une opération qu'elle vient de lancer : une opération "un carré pour le Château". En substance, vous achetez un foulard de soie de la maison H. (335 €), et vous aidez à la restauration de Versailles, suppléant ainsi aux caisses vides de l'Etat.

Vous avez remarqué que je n'ai pas indiqué le nom de la marque de carrés de soie. Salamé ne partage pas ce genre de pudeurs. En quelques minutes, le nom de la marque est prononcé une demi-douzaine de fois, sur l'antenne de France Inter, radio publique, comme chacun sait, théoriquement sans pub.

Pourquoi pas ? Après tout, l'opération, en elle-même, est moins avilissante que ces gigantesques bâches publicitaires qui ensevelissent régulièrement les façades de monuments historiques. Mais avec son carré, la maison H. ne s'est pas seulement appropriée le château de Versailles. Elle s'approprie aussi huit minutes de radio publique. L'opération de mécénat en elle-même est finalement moins criticable que son traitement purement promotionnel par la radio publique. Oui, purement promotionnel. Sur les détails de l'opération, la part des ventes qui reviendra à Versailles par exemple, la question n'est pas posée, on ne sait rien, les quelques articles sur le sujet se contentant de recopier le communiqué de presse du château.

On objectera peut-être que la marque H. n'est plus seulement une marque. Qu'elle a dépassé depuis longtemps le vulgaire statut de marque commerciale, pour se hisser dans l'Olympe, au niveau des "Ambassadeurs de l'Excellence Française", avec des majuscules partout. C'est d'ailleurs précisément l'objectif recherché par l'opération Versailles, avec la participation active de France Inter.

Lire sur arretsurimages.net.