Hulot sur LCI : du climatoscepticisme bonhomme

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Le matinaute - 34 commentaires

Aux yeux de LCI, Nicolas Hulot a d'immenses qualités -sa popularité, née de l'émission de TF1 Ushuaia- et un gros défaut : il est écologiste. Comment traiter un être aussi hybride ? Les éditions Fayard ayant étrangement décidé de l'atteler à l'écrivain spécialiste du bonheur Frédéric Lenoir ("D'un monde à l'autre", 21,50 €), Darius Rochebin déroule donc le tapis rouge au duo, dans sa tranche de 20 Heures. On assure la promo minimale : la vie, l'amour, le suicide de son frère, et Dieu dans tout ça. Mais dans une télé financée par la pub on ne va pas le laisser partir ainsi, le Nicolas, sans lui demander gentiment si son truc, là, l'écologie, ce n'est pas un tout petit peu le puritanisme du XXIe siècle, après les protestants et les jansénistes (Darius a oublié les mormons).

Mais ça ne suffit pas. Voici venir la jeune chargée des réseaux sociaux, Samira El Gadir, qu'on a envoyée au feu. D'abord pour confirmer la réalité du changement climatique -ok, c'est vérifié, bientôt on pourra faire du vin en Bretagne. Et surtout, gratter où ça fâche : les bagnoles de l'écolo. Neuf. Dont un quatre quatre. On l'a appris à l'occasion des déclarations de patrimoine. La question est posée de manière torve et oblique, manière télé française, genre :"on vous a senti blessé, Nicolas, d'être attaqué par les méchants réseaux sociaux sur vos neuf voitures ? " On va donc rappeler les faits, histoire de montrer "comment ça fonctionne". 

Objectif atteint. Hulot, qui a parfaitement saisi l'intention, implose en vol. Se justifie chaotique, vous fouillez les égouts, mais ok, je vais répondre. Dans les neuf, il y a un camion de chevaux de trente ans. Et une deux chevaux de quarante ans. Et le quatre quatre, c'est pour transporter le foin dans la neige. Et oui, j'ai réussi dans la vie. Je pourrais me payer une Ferrari, et je roule en scooter électrique. Et je vous emmerde (je synthétise). A cet instant, il n'est plus qu'un réacteur d'amertume en fusion, de toutes les amertumes accumulées par tous ses combats perdus en trois décennies. Et ce mur du scepticisme, toujours debout ! Dix comme lui, et la transition énergétique est faite. Bien la peine, de venir vendre un livre présumé apaisant  sur le passage "d'un monde à l'autre"

Même Hulot, donc ! Et même Rochebin ! L'apaisant transfuge helvétique, capable de si bellement sculpter dans le sens du poil les statues de monuments nationaux (les soirs précédents, François Molins et Robert Badinter, dans leurs belles bibliothèques pleines de reliures porteuses de toute la sagesse du monde) se sent obligé de vinaigrer une interview de Hulot -et d'exhiber fièrement lui-même sa bouteille d'eau en plastique, dans une sorte de climatoscepticisme bonhomme, genre allons, nous savons entre nous que personne ne croit vraiment à ces fariboles. Il reste du chemin à faire.


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