Hulot : la longue marche de la vérité

Daniel Schneidermann - - Scandales à retardement - Le matinaute - 84 commentaires

Hulot après PPDA. Les mêmes faits brutaux de prédation répétés sur des jeunes femmes. La même sidération des victimes. À la même époque. Par deux stars intouchables de TF1. Les mêmes dizaines d'années de silence et de déni, entre les faits et leur révélation. L'enquête d'Envoyé Spécial, hier soir, ne peut pas être regardée indépendamment des témoignages publiés la semaine dernière par Libération sur l'ex-star du 20 Heures. Et il est bien difficile de ne pas considérer que ces deux enquêtes, avec toutes les autres, décrivent un système.

Ce parcours vers la libération de la parole ne s'est pas produit sans accidents, sans cahots. L'enquête d'Envoyé Spécial sur Nicolas Hulot intervient trois ans après la publication d'une enquête inaboutie des investigateurs Anne Jouan et Laurent Valdiguié sur l'agression sexuelle de la jeune photographe Pascale Mitterrand, dans l'éphémère magazine Ebdo. Inaboutie car, quoique longue de neuf pages, et promue en couverture, elle ne comportait aucun nom (ce que l'on peut comprendre, la victime ayant requis l'anonymat) ni aucun récit des faits. Nous l'avions constaté sur ce site ici et ici, et j'en avais fait aussi une chronique dans Libération, comme on commence à me le rappeler gentiment sur Twitter depuis hier soir, sur le mode "Alooors, on soutient toujours Hulot ?"

En réalité, quand Ebdo publie son enquête en 2018, les auteurs ne connaissent pas précisément la nature des faits qui se sont produits dans la maison de Corse, comme le reconnait Anne Jouan sur le plateau de Quotidien (TMC)Pascale Mitterrand, qui s'est entretenue longuement au téléphone avec Valdiguié depuis la Nouvelle-Calédonie, a refusé de le lui en raconter le détail. Le journaliste n'a pas insisté, considérant que la révélation du dépôt de plainte se suffit à elle-même. 

Les deux enquêteurs n'auront connaissance de la déposition circonstanciée de Pascale Mitterrand à la gendarmerie (Le Monde d'hier en a publié la substance) qu'après la publication de leur article. Ils en préparent alors un second, plus détaillé. Mais, dans l'état de discrédit où se trouve Ebdo après la publication du premier article, et la contre-offensive massive du gouvernement, notamment par la voix de Benjamin Griveaux, Édouard Philippe, et Marlène Schiappa, l'hebdomadaire renonce à le publier. 

Aucun autre journal ne souhaite relancer l'enquête, a fortiori sur un personnage aussi populaire que le ministre de la Transition écologique. Traumatisées, les éditions des Arènes, qui ont lancé Ebdo, renoncent ensuite à un projet de livre avec Sylvia, la jeune femme âgée de 16 ans lors des faits, dont le témoignage ouvre l'émission de France 2. Elle avait contacté l'hebdomadaire dès le lendemain de la parution de l'enquête de Jouan et Valdiguié, tout comme Cécile, la victime de l'agression de Moscou qui témoigne aussi dans Envoyé Spécial, et comme d'autres encore, dont l'animatrice et comédienne Maureen Dor, qui ont décidé de parler à la veille de l'émission de France 2. Il aura donc fallu attendre trois ans. Longue marche.

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