Hulot, J+1 : la course continue

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 39 commentaires

La démission de Hulot ? "Un moment de grâce"s'extasie un Demorand en épectase, et manifestement pas encore retombé sur terre, devant la caméra de France Inter. Si ce fut un "moment de grâce" pour  les deux intervieweurs -tant mieux pour eux, on a si peu d'occasion d'être transportés- ce fut, pour tous les autres, un grand discours politique, structuré, charpenté, émaillé d'exemples accablants de la joyeuse course à l'extinction de l'espèce. Il faut l'écouter de bout en bout, ce discours, pour mesurer l'inanité de la psychiatrisation immédiate (voir notre montage) dont les bavards des chaînes d'info ont habillé la démission de Hulot. Enfilez-lui sa camisole, et donnez-lui sa tisane, au démissionnaire, et qu'on passe à autre chose. La part faite de l'inconséquence des éloges personnels prodigués à Macron et Philippe (syndrôme de Stockholm ?), ce discours restera, comme celui de Chirac en 2002, dont il était l'auteur.

Et au-delà du discours ? Pas d'espoirs inconsidérés, la course continue. Dès le lendemain, sur la même station, la présentatrice du journal de 7 heures résume la difficile rentrée qui attend Macron, avec "l'affaire Benalla et la croissance en berne". En berne. Que ralentisse tant soit peu la course folle à la croissance, et la machine pavlovienne considère que c'est une mauvaise nouvelle. N'en voulons pas à cette présentatrice. Elle a certainement été émue par "l'état de grâce" de la veille. Elle a peut-être essuyé une larme elle-même. Sa "croissance en berne", ce sont ces petits clichés politico-médiatiques de rien du tout, cette petite musique, qui s'incrustent dans les esprits, et les modèlent plus durablement que les grands coups de cymbales.

A propos, savez-vous ce qui s'est dit, à la fameuse réunion élyséenne sur la chasse ? Outre la division par deux du coût du permis de chasse, on y a causé, selon Libé, chasses traditionnelles. Dans les chasses traditionnelles, figurent (je l'apprends en même temps que vous) la chasse à la lecque, et la chasse à la glu. La chasse à la lecque est une manière de piéger une grive au moyen d'une pierre surélevée par quatre baguettes de bois. La grive meurt écrasée par la pierre. Quant à la chasse à la glu, je vous laisse en découvrir les beautés et l'impeccable déontologie dans ce reportage de La Provence, de Giesbert-Tapie. Hulot, soit dit en passant, ne s'y était nullement opposé, puisque c'est son ministère qui a lancé une "consultation", en plein été, afin d'autoriser ces deux chasses traditionnelles, parmi d'autres. C'est donc à la chasse à la lecque, et à la chasse à la glu, que Macron et Hulot ont consacré deux heures de leur précieux temps, à la fin du second été le plus chaud en France, après celui de 2003. Bienvenue dans le nouveau monde.



Lire sur arretsurimages.net.