Hollande, les crapauds, et le beau temps
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 55 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Réservez votre soirée : Hollande répond au porte-parole du MEDEF, pardon, au présentateur de Capital, sur M6
. Laquelle émission a préparé un catalogue de tout ce qui ne marche pas en France, et à quoi, Monsieur le président, il faudrait remédier d'urgence, concrètement, on attend vos réponses, vos solutions. Au premier rang des coupables, pas l'évasion fiscale, non, les crapauds. Saviez-vous (ça c'est du concret) que la pénurie de logements en France, c'est la faute aux crapauds ? Enfin, plus précisément, les normes environnementales. Oui oui ici, regardez bien, un programme de construction a été retardé de trois ans, pour préserver...des crapauds. D'ignobles, de visqueux crapauds, ceux-là même qui sont haïs par les hommes ! Au second rang des coupables : les locataires. Ecoutez, Monsieur le président, ce petit propriétaire se plaindre que le non-paiement de loyers ne soit "même pas un délit". Et ça continue. La récession en France ? La faute à multiplication des arrêts-maladie dans le secteur des "services à la personne" (entendez, le torchage des vieux). Pensez donc, on a un secteur d'avenir, prometteur, un gisement de croissance, et ils se mettent en arrêt-maladie !
On se perd en suppositions sur ce qui peut passer par la tête des conseillers de l'Elysée, pour envoyer le chef dans ce type de traquenard. S'agit-il de rassurer Merkel et Lafinance sur le rythme des réformes ? Mais il est peu probable qu'ils regardent Capital. Le calcul machiavélique consiste-t-il à permettre à Hollande, prenant le contrepied de l'émission, volant dans les plumes du présentateur, de se repositionner en adversaire de Lafinance (mais oui, souvenez-vous, notre vieille amie Lafinance, celle du discours du Bourget, celle qui n'a "pas de visage", etc) ? Mais alors, il fallait y aller à fond, soutenir l'employée des services à la personne virée devant la caméra pour abus d'arrêts maladie, voler dans les plumes des propriétaires. Mais ne cherchons pas de raisons où il n'y en a probablement pas. Que différents responsables socialistes aient évoqué, pour expliquer le résultat de la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot, où le candidat PS a été éliminé du second tour, la responsabilité des écolos, celle du beau temps, ou celle de Cahuzac, en dit long sur leur lucidité.
" Il y a eu une déception immense sur le plan politique, donc une désillusion. J'ai compris que le seul changement qu'on pouvait espérer, c'était finalement la littérature qui l'apportait (...) C’était, par le fait de lire, d’être au courant et d’être en communion avec les gens qui avaient essayé de montrer qu’on pouvait essayer de changer soi-même. (...) J’ai compris que le changement n’était pas que social et politique - même si cela reste une procédure très importante- mais qu’il y avait aussi un changement de chacun". Qui parle, dans cette interview de 1991 ? Maurice Nadeau, éditeur et fondateur de la Quinzaine littéraire, qui vient de mourir à 102 ans. Dont on ne connait pas l'opinion sur la responsabilité des crapauds, et qui ne regardait sans doute même pas Capital.