Hollande, le boycott miraculeux
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 50 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Après l'affaire de la TVA sociale, le feuilleton dit du "boycott européen de Hollande"
restera comme un chef d'oeuvre de créativité masochiste sarkozyenne. Selon le Spiegel, Merkel se serait concertée informellement avec les chefs de gouvernements britannique, italien et espagnol, pour qu'ils ne reçoivent pas Hollande avant l'élection. Tous quatre ont mollement démenti. N'empêche qu'aucun des quatre, en effet, à ce jour, n'a accordé d'entrevue à Hollande, ce comportement laissant courir le soupçon d'une consigne du candidat sortant français: "surtout, hein, les copains, ne le recevez pas, pas de photo, que je puisse jouer continuer à montrer que je dîne seul à la table des grands", etc.
Et aussitôt, en France, les deux camps d'exploiter la rumeur, chacun de son côté. Les sarkozystes en multipliant les confidences sur le thème: "normal qu'il ne soit pas reçu, il les insulte en souhaitant renégocier le traité de rigueur". Les hollandais, en minimisant l'affront: "même pas mal, on ne s'est aperçus de rien". Comme si chacun convenait implicitement que ce boycott était négatif pour le socialiste. Peu suspect d'hostilité à Hollande, Libé explique par exemple aujourd'hui, sur une double page, que le candidat "tente de retourner à son avantage la thèse d'une alliance conservatrice contre lui". Mais le montage photo qui l'illustre exprime plus clairement les choses. |
Concerté ou non, peu importe, ce boycott est une des meilleures choses qui soient arrivées à Hollande dans les derniers jours. C'est un cadeau du ciel. La stratégie de Sarkozy est claire: apparaître à l'image, notamment par son interview télévisée commune avec Merkel, comme un chef d'Etat à l'égal des autres, pour faire ressortir par contraste le noviciat de Hollande, et éviter la création prématurée d'une image de Merkhollande. Un détail lui a sans doute échappé: Merkel, Cameron, Rajoy et Monti sont, pour les Français, des repoussoirs. L'image de ces "leaders ratés", comme dit un député travailliste britannique, est associée aux purges à répétition qu'ils infligent à leurs pays respectifs, et prétendent imposer aux autres. Hollande n'a strictement aucun intérêt à exhiber son intention de rejoindre le club des odieux. Le boycott, qui le hisse au statut enviable d'alternative, est la meilleure chose qui puisse lui arriver. Les responsables politiques, comme chacun sait, agissant toujours rationnellement, on soupçonnerait presque que le pseudo-complot de Sarkozy est, en fait, un véritable complot de Hollande. Et dans ce cas, il faut reconnaître que c'est magistralement joué.