Hidalgo et les profs : raté !

Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Le matinaute - 87 commentaires

Enfin ! Enfin on a presque réussi à arracher à Zemmour "l'agenda", le fameux "agenda" de la conversation médiatique, qu'il tient serré contre lui depuis la rentrée, avec l'amicale complicité de vos journalistes préférés. Merci Anne Hidalgo, d'avoir promis, pour propulser son entrée en campagne, le doublement, "au moins", du salaire des profs. Dans son livre Une femme française, la candidate assure en effet croire "possible, sur la durée d’un quinquennat, de multiplier par deux au moins le traitement de toutes les personnes au contact avec les élèves". La promesse, à mon sens, manque d'ailleurs un peu d'ambition. Tant qu'à faire joujou avec l'argent magique, pourquoi seulement doubler ? Pourquoi pas tripler, décupler, le salaire des profs ? Frilosité d'autant plus criante qu'interrogée sur France Inter, Hidalgo a déjà semblé en retrait, se contentant d'assurer qu' "il faudra mettre le paquet" et "fixer cet horizon". Mettons mettons. Fixons fixons.

Immédiatement, Libé en fait néanmoins sa Une, sous le titre "Salaire des profs, quitte ou double", avec un visuel rangeant donc Hidalgo dans le camp des audacieux, et Mélenchon, au côté de Blanquer, dans celui des radins, indifférents au salaire des profs. Hurlements des Insoumis, qui font valoir à juste titre que le programme de Mélenchon prévoit, non pas le doublement, mais le rattrapage du gel du point d'indice du traitement des enseignants, soit au total une augmentation de 30% environ pour l'ensemble des enseignants, comme le rectifie une enquête de CheckNews, au lendemain  de la Une fatale. A Mediapart, l'élue insoumise parisienne Danielle Simonnet rappelle par ailleurs que les 800 professeurs de la Ville de Paris, directement employés par la Ville pour donner des cours d'arts plastiques ou de sport, "se battent depuis huit ans pour toucher la prime à laquelle ils ont droit". Et les Insoumis, comme les syndicats d'enseignants, rappellent pour leur part que leur priorité va plutôt aux créations de postes qu'à un chimérique "doublement" des salaires.

Il se trouve des socialistes, paraît-il, pour saluer la virtuosité de la manœuvre hidalguienne, que je pourrais qualifier, après intense réflexion, de "dépassement à droite par la gauche". Mais le dépassement, quel qu'il soit, de droite par la gauche, ou de gauche par la droite, est une manœuvre qui suppose au moment fatidique une accélération, et pas un coup de frein. Raté.

Lire sur arretsurimages.net.