Hadopi, nouvelle saison
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 28 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
On en découvre tous les jours, sur le futur projet de loi sur "l'égalité hommes femmes", dont devrait débattre le Sénat la semaine prochaine.
Nous racontions mardi, dans notre première émission 14h42, comment, au bénéfice de cette loi, le gouvernement aimerait élargir le champ de la dénonciation obligatoire de propos sexistes ou injurieux par les hébergeurs ou les plateformes de blogs. Et voici le scoop de France Inter ce matin : toujours dans le cadre du même projet, le gouvernement aimerait combattre les sites anti-IVG qui trompent les femmes en détresse en se dissimulant derrière une apparente neutralité. De fait.... le site ciblé par le ministère ...(le dossier complet de France Inter est ici) a réussi des prouesses en matière de référencement, puisqu'il arrive bon premier dans les recherches Google sur la requête IVG (voici quelques mois, Le Monde nous disait tout sur le sujet). |
Contre les anti-IVG masqués, pour une fois, le gouvernement semble avoir renoncé à contrôler, à surveiller, à réglementer, mais il semble avoir choisi de combattre avec les armes de l'adversaire : le référencement. "Le ministère a incité Google à mieux référencer certaines associations comme le Planning familial" écrit benoîtement France Inter. Ah tiens. On serait bien curieux de savoir comment, avec quels arguments, Najat Vallaud-Belkacem a "incité" Google. Et encore plus curieux de savoir quel accueil Google, entreprise bien connue pour sa souplesse et son aptitude à la négociation avec les gouvernements nationaux, a réservé à ces incitations. Toujours à la lecture de France Inter, on croit comprendre que cette "incitation" s'est limitée à l'achat de 10 000 euros de pub sur le moteur. C'est encore l'argument que Google comprend le mieux.
A propos de contrôle, on est peut-être bien repartis pour un tour dans le feuilleton Hadopi. Sous la pression de l'industrie du cinéma, qui assure être victime ces derniers temps de "piratage massif", le CSA fait le forcing pour récupérer les compétences de la Hadopi moribonde. Et il se trouve des sénateurs socialistes pour l'écouter avec bienveillance. En fond de décor, évidemment, toujours le même fantôme : la surveillance d'Internet. Derrière cet épisode au Sénat, chacun voit bien que le CSA rêve de mettre un orteil sur la Toile. Et derrière l'orteil, le pied tout entier, avec ses grosses godasses de gendarme. Quel étrange rêve. Le CSA est l'organisme le plus mal outillé pour surveiller Internet. Génétiquement, il n'y comprend rien. Il a été taillé pour gérer l'audiovisuel, ses messages verticaux, et sa poignée d'oligarques bénéficiant de fréquences limitées. Pas d'affolement : la Toile se défendra comme elle s'est défendue dans les premières saisons du feuilleton, et cela se terminera de la même manière, parce que cela ne peut pas se terminer autrement. Tout au plus ce nouvel épisode offrira-t-il aux vieilles industries une bonne raison supplémentaire de retarder encore leur destin inéluctable : se réinventer.