Guerre, pandémie, élection et respect de la loi

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 291 commentaires

Plaignons les Russes, les malheureux citoyens russes, interdits par le dictateur de manifester contre la guerre même avec des pancartes blanches, et condamnés à subir des médias aux ordres qui, sous peine de quinze ans d'emprisonnement, ont banni le mot "guerre", au profit du terme "opération spéciale". Accessoirement, plaignons même les lecteurs occidentaux des reportages des correspondants en Russie, lesquels se conforment plus ou moins à la même directive. Cette censure obtuse rappellera, à juste titre, des souvenirs aux plus anciens d'entre nous, quand nos journaux évoquaient "les événements d'Algérie".

Plaignons les Russes, et louons les médias français, qui eux ne craignent pas d'appeler les choses par leur nom. Avec quelques limites tout de même. En ce 14 mars, tombent les masques un peu partout (sauf dans les transports, les hôpitaux et les Ehpad), et passent les pass vaccinaux. Prenons le cas des cinémas, seulement les cinémas : ni masque ni pass ne sont plus exigés. Plus rien. Cette mesure est-elle justifiée par une baisse du risque ? Pas vraiment. De l'aveu même du ministre de la Santé, nous sommes menacés d'une nouvelle vague (la sixième), du fait du sous-variant BA2

Alors pourquoi baisser la garde maintenant ? Ici, chez nos commentateurs préférés, commencent les circonlocutions à la russe, à base de "contradiction apparente", "d'interrogations", de "perplexité". Les plus indulgents évoquent la "lassitude des Français, après deux ans". Les plus hardis se demandent si "certaines circonstances électorales" ne joueraient pas un rôle dans cette suspension des gestes barrière. Mais qui prononce simplement les mots : "Le président en exercice Emmanuel Macron, qui décide seul depuis deux ans de la politique sanitaire dans des conditions lui évitant de devoir rendre des comptes ultérieurement, achète des voix en jouant avec la vie des Français" ? Que craint-on ? Une arrestation sur la Place Rouge ?

Heureusement, le processus de l'élection présidentielle suit son cours, comme dans toute grande démocratie. La principale chaîne privée, TF1, organisera ce soir un grand débat, réunissant tous les candidats. Enfin, presque tous : huit sur douze. Pourquoi seulement huit ? Parce que nous ne sommes pas encore en période "d'égalité de temps de parole" entre tous les candidats. Nous ne sommes qu'en période "d'équité renforcée", laquelle impose de prendre en compte "le poids politique de chacun des candidats (résultats aux précédentes élections, nombre d’élus du parti, sondages d’opinion…)" Si les coefficients de chacun de ces facteurs sont tenus hautement secrets, le résultat est clair : les candidats Poutou et Lassalle (évalués à 2% dans le dernier sondage Kantar-Epoka) sont exclus, tandis que la candidate Hidalgo (1,5%) est admise. Mais ouf, la loi est respectée.


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