Georges Buisson, l'innocent parricide
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 17 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Georges Buisson n'a rien à dire, rien à offrir.
Rien d'autre qu'un interminable conflit avec son père, Patrick Buisson, l'homme au dictaphone intelligent qui démarrait tout seul. Mais tout de même, comment résister à l'exhibition du fils du maurassien maudit, "accusé parmi d'autres d'avoir fait sortir l'affaire"résume Antoine de Caunes ? A quoi ressemble-t-il ? Comment parle-t-il ? "Merci d'avoir choisi le Grand Journal pour vous exprimer pour la première fois" dit de Caunes. Dans la journée, le Grand journal, pas peu fier, a avant-tweeté son scoop (tout relatif, le jeune homme ayant déjà livré son témoignage au Point). En vedettes américaines, deux ténors du barreau les-droits-de-la-défense-sont-gravement-atteints ont classiquement chauffé la salle. Et enfin le voici.
Le voici, timide, gauche, résolu, funambulant entre les dangers tandis qu'il s'avance vers la barre des témoins. A peine est-il installé, que la mêlée fond sur lui. De Caunes, Aphatie, Jouan, Rissouli, se le disputent, comme des chacals une antilope. Rares moments où, avançant en terrain inconnu (pensez donc, un invité qui n'a rien à vendre !) slalomant entre les déroutants silences de la proie comme en terrain miné, les journalistes se montrent comme ils sont, à ciel ouvert, pire que nus, exhibant le plus profond de leur intimité : la nature et les ressorts intimes de leur curiosité. Aphatie : "Quelqu'un les a donnés, ces enregistrements. Donc quelqu'un les possède. Je ne vous demande pas un nom, mais on peut imaginer que vous pouvez déterminer, vous l'origine de cette fuite." Buisson : "Je ne vais pas pointer du doigt un nom sans preuves". Rissouli : "Vous avez des soupçons ?" Le témoin : "Patrick Buisson a fait du mal à beauoup de gens". Première curiosité satisfaite : il ne dit pas "mon père". Il dit : "Patrick Buisson", du ton de celui qui n'a pas prémédité ce parricide verbal. |
Très vite, dans la mêlée, se distinguent deux clans, dont les inconscients vont se livrer à une lutte feutrée. Les uns recherchent le protagoniste de l'affaire (ce qu'il sait), les autres fondent sur le fils en rupture (ce qu'il ressent). Sachistes contre ressentistes. Types de questions ressentistes : "Est-ce que vous êtes choqué"? "Est-ce que vous êtes surpris ?" Types de questions sachistes, le jeune homme ayant expliqué qu'il avait découvert par hasard un des enregistrements en copiant des fichiers sur l'ordinateur de son père : "dans quelles circonstances les avez-vous trouvées ? Vous n'avez ouvert qu'un seul fichier ?" Chefs de file des sachistes, les journalistes Jouan et Rissouli. Timonier des ressentistes, l'animateur de Caunes. Après la découverte des enregistrements, Georges Buisson raconte qu'il interroge son père. Jouan la sachiste : "Comment s'est-il justifié ?" Mais De Caunes, sans laisser au jeune homme le temps de répondre : "Est-ce que ça vous a étonné de lui ?" En une seconde, le match vient de basculer en faveur des ressentistes. Il ne reste plus à Jouan, dépitée, qu'à rallier les vainqueurs : "Qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ces images de votre père ?" Georges Buisson n'a rien à offrir, rien d'autre que ce visage d'un innocent parricide, acquitté d'avance. Tout va bien : on l'a invité pour ça.