"Florenceschaalite" au Monde
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 48 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Que se passe-t-il, pour qu'un journal perde son code génétique ?
La "Florenceschaalite" a encore frappé Le Monde. Bouclé lundi matin, le journal daté du 21 octobre titrait "Nicolas Sarkozy dévoile son plan pour le numérique". "En s'exprimant sur le sujet, le président de la République souhaite prouver l'importance qu'il accorde à l'économie numérique" insistait l'article. Hélas ! Ledit Sarkozy, fort occupé à sauver le monde (sans majuscule), a posé un lapin au dernier moment, lundi en fin de matinée, et demandé au ministre Besson de le remplacer. Cette nouvelle bavure du Monde survient quelques jours après une mésaventure similaire sur le plan Paulson. Le Monde, à la Une, l'avait déclaré adopté, alors qu'il avait été rejeté au dernier moment. |
Satané intervalle, entre l'heure du bouclage, et l'heure de parution. Quand j'y officiais, le journal avait trouvé la recette, pour gérer ces situations: un étrange plus que parfait. "M. Sarkozy devait dévoiler lundi à 11 heures le plan numérique". "Devait dévoiler" au lieu de "a dévoilé": ça rajoutait quelques mots, mais ça ne mangeait pas de pain, et le subterfuge enjambait élégamment l'intervalle infernal. En cas de tremblement de terre, le journal était couvert. (En me relisant, je ne suis d'ailleurs pas certain que cet enjambement puisse se rattacher au plus que parfait. Mardi à neuf heures quinze, des précisions étaient attendues dans nos forums).
Pourquoi le journal a-t-il renoncé à cette élémentaire assurance contre les impondérables ? S'agissant d'un événement aussi considérable que la présentation du "plan numérique", il est peu probable que le journal en attendait une explosion de ses ventes en kiosque, comme le légendaire quotidien "La presse" qui, en 1927, titra prématurément sur l'arrivée à New York de Nungesser et Coli, qui...venaient de s'abîmer en mer. Alors ? Volonté de faire semblant de savoir, alors qu'on n'est pas encore certain ? La presse papier a abandonné de nombreux terrains à l'audiovisuel et au Net . Que lui reste-t-il ? L'exactitude. La scrupuleuse, méthodique, pathologique exactitude. Si elle perd cela, elle perd tout. |