Essence : gilets jaunes, viralité, et infographie

Il faut que l'heure soit grave. La sous-ministre de l'écologie Emmanuelle Wargon s'est filmée chez elle, en gros plan, sans maquillage. Pour un peu, elle serait elle aussi en gilet jaune, et au volant d'une vieille bagnole, dans un élan aussi spontané que celui des automobilistes qui menacent de manifester le 17 novembre prochain contre la hausse du prix des carburants. C'est l'équivalent de Louis XVI, coiffant le bonnet tricolore à Paris en juillet 1789.

L'heure est grave, oui : il s'agit de répondre à "une citoyenne bretonne", Jacline Mouraud, hypnothérapeute dans le Morbihan, consacrée icône du mouvement par la magie de la viralité, et qui du coup, a squatté les télés d'info continue. A noter que Jacline Mouraud, par ailleurs, est associée à une medium spécialisée en ectoplasmie.

Rien de plus dangereux, pour un gouvernement, que ce mouvement surgi de nulle part, porté par un visage inconnu (a fortiori s'il surgit de Bretagne, comme le fameux mouvement des "bonnets rouges" de 2013, contre l'écotaxe). Il s'agit donc de brandir une femme ordinaire contre une autre femme ordinaire. Avec un message clair : "nous augmentons progressivement les taxes (...) pour aller vers une société avec une meilleure transition énergétique" dit Emmanuelle Wargon (avec qui Jacline Mouraud, à l'heure où surfe le matinaute, se déclare "prête à débattre").

On notera, si on l'écoute attentivement, que Emmanuelle Wargon  ne dit pas que les hausses de carburant seront intégralement affectées à la transition écologique -à l'inverse du produit des radars, dont elle précise qu'il sera intégralement affecté à la sécurité routière. Et pour cause. Car cette affectation, comme le souligne un excellent article du Parisien (qui explique aussi clairement l'historique des hausses de la TICPE), bénéficiera certes un peu aux énergies renouvelables, mais surtout au budget général de l'Etat. De l'art de saboter, par la manipulation et les sournoiseries, une excellente mesure...