Egorgés
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 42 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Sans doute est-ce toujours la même surprise.
C'est la France des 35 heures, de la privatisation de la Poste, du
bouclier fiscal, de l'université d'été de l'UMP à Royan, de la rentrée
des télés, de la lutte Devedjian-Bertrand, de la bagarre PPDA-Ferrari,
c'est cette France-là, la France de la routine, la France des saisons
toujours recommencées, qui est soudain percutée par la sauvagerie de la
guerre. Sans doute est-ce toujours le même saisissement, la même
incrédulité du corps chaud, devant la lame froide.
Sans doute faut-il toujours le même temps aux dispositifs, pour se mettre en bon ordre. Sans doute faudra-t-il à chacun du temps, pour ré-inventer les éternelles postures. Ce que l'on dira, et ce qu'il faudra taire. Où seront les bons et les méchants. "Est-il indispensable à la vérité que l'on arrache le linceul de nos soldats morts ?" tonne dans Le Figaro l'académicien Max Gallo, à propos du reportage de Match chez les talibans. Il est en position avant les autres, celui-là. Bon premier. Pas besoin d'essais de voix, nous avons notre Déroulède. Le bénéfice de la lecture, sans doute. Ou bien de l'âge. Après trois semaines de silence, deux quotidiens publient le même jour un détail terrifiant : quatre des soldats victimes de l'embuscade du 18 août auraient été égorgés. Le Monde se fonde sur un rapport de gendarmerie, et Le Parisien sur le témoignage d'un soldat rescapé, livré à sa famille. Trois semaines de silence, trois semaines pendant lesquelles, on le devine, seuls les initiés se racontaient le détail, et soudain le voici projeté à la Une. Fallait-il le dire ou le taire ? M'en voudrez-vous beaucoup, si je vous dis que je ne sais pas ? |
Mise à jour, 5 septembre, 16h30
L'état-major des armées a indiqué vendredi 5 septembre à l'AFP "qu'un seul des dix soldats français tués dans une embuscade tendue par les talibans le 18 août en Afghanistan est décédé d'une blessure à l'arme blanche".
Cette information, indique le capitaine de vaisseau Christophe Prazuck, de l'état-major, vient de "témoignages de ses camarades", confirmés par "des examens médicaux".
Prazuck a déclaré faire cette précision afin de "mettre fin aux rumeurs qui déstabilisent les familles".