Dominique Seux, l'usine à lait, et les grommeleurs bretons

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 34 commentaires

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Youpi ! Pour la première fois, les ouvertures d'usines en France sont, depuis six mois, plus nombreuses que les fermetures.

Dominique Seux s'en réjouit sur France Inter, en regrettant que ses confrères, ces corbeaux, n'évoquent que les mauvaises nouvelles, les trains qui n'arrivent pas à l'heure. Exemple, selon le directeur adjoint de la rédaction des Echos, journal appartenant à Bernard Arnault : comparez donc le nombre d'articles consacrés à la fermeture programmée d'Alstom, à Belfort, à la médiatisation de l'inauguration des "plus hautes tours d'Europe" de séchage de lait, par le groupe chinois Synutra, à Carhaix, en Bretagne (430 emplois créés ou "devant être créés").

C'est vrai. L'inauguration fin septembre de l'usine à poudre de lait destinée aux heureux bébés des classes moyennes émergentes chinoises, pour leur garantir du lait français, sûr et tracé, en provenance de petites fermes familiales françaises sûres et tracées, n'a fait l'objet que d'un nombre limité d'articles. Aucune commune mesure avec le volume des commentaires sur le génial plan de sauvetage d'Alstom-Belfort (consistant, si l'on a bien compris, à l'achat par l'Etat de TGV made in Belfort, pour les faire rouler sur des lignes Intercités, à vitesse réduite).

Et pourtant, ce sont 230 emplois qui ont effectivement été créés à Carhaix, soit plus de la moitié des emplois menacés à Belfort. Cette sous-médiatisation est très regrettable. La presse s'y serait-elle intéressée davantage, elle aurait souligné, comme le remarquait Reporterre au printemps dernier, qu'une bonne part de ces emplois proviennent...de l'usine voisine d'Entremont, qui vient de fermer. Elle aurait aussi pu enquêter sur le prix auquel les Chinois paieront le lait français, entre 280 et 300 euros la tonne, soit le prix du marché, certes, mais très au-dessous de coûts de production. Elle aurait pu se demander si cette concentration du marché ne va pas paradoxalement accélérer la disparition de fermes familiales sûres et tracées, mais peu compétitives. Mais aucune de ces ces questions n'est abordée par le journal de Dominique Seux, qui mentionne tout juste, au détour d'une phrase, que "certains agriculteurs grommellent" contre le prix payé. Ah, ces grommeleurs bretons. Jamais contents. On dirait presque des journalistes.

L'usine à lait en poudre, la chouchoute de Dominique Seux, prépare-t-elle, comme l'affirme résolument Reporterre, "la fermeture de milliers de petites fermes" ? Marque-t-elle, comme l'assurent les élus FN à la région Bretagne, relayés par le site d'extrême-droite Breizh Info, "l'asservissement" des agriculteurs bretons aux multinationales ? Oui, Dominique Seux, la question mériterait une véritable enquête. Un jour prochain dans Les Echos ?

Mise à jour 12 h 30 : après remarques dans le forum, rajout du qualificatif "d'extrême-droite" pour Breizh Info

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