Dominique qui ? Venner, sous le radar

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 77 commentaires

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Dominique qui ? A peine tentait-on de se documenter sur l'essayiste d'extrême-droite Dominique Venner, qui s'est suicidé hier à 78 ans à Notre Dame

, que les sites de presse mettaient en ligne des nécros rédigées à la hâte. Pour Le Monde, il était rien moins que "le père de l'extrême-droite moderne". Titre légèrement survendeur. Païen, Venner ne pouvait ni ne souhaitait sans doute agréger l'extrême-droite catholique (et le choix de l'autel de Notre Dame pour théâtre de son suicide devra encore être expliqué). Plutôt défenseur de l'identité européenne que nationale, il ne pouvait non plus agréger les innombrables nationalistes que compte la mouvance.

Dominique qui ? Le plus frappant, au vu de sa longue biographie, et de sa non moins longue bibliographie, est d'abord que l'on ne le connaissait pas. La télé préfère les fachos jeunes et fringants, plutôt que septuagénaires. Et si la doite radicale règne aujourd'hui, c'est à travers d'autres figures plus ambiguës, politiquement (Sarkozy, Copé, Guéant, Hortefeux) ou médiatiquement (Zemmour, Elisabeth Lévy). Quelle que soit sa décomplexion affichée, elle se sent encore obligée de masquer ses origines, et de renier le bouillonnant chaudron dont elle est, pour partie, issue, et dans lequel Venner, lui, aura mijoté jusqu'à la fin.

D'où le bouquet de malentendus, autour des commentaires "à chaud" sur le saisissant suicide de l'essayiste. A en croire ses propres écrits, Venner ne s'est pas suicidé pour protester contre la loi Taubira. Dans la compétition de ses angoisses et de ses hantises, cette loi arrivait apparemment loin derrière la peur de voir la France tomber "aux mains des islamistes". Il suffit de lire son dernier billet de blog, publié la veille de son suicide.

Que Venner soit resté, jusqu'à sa mort, inconnu de ce que l'on appelle le "grand public", ne signifie pas que ses thèses ne rencontraient pas d'écho. Dans ce fameux dernier billet, Venner cite notamment, parmi ses compagnons de hantise, l'écrivain Jean Raspail, et son livre "Le camp des saints", roman profondément raciste, et peut-être même fondateur du lepénisme actuel, rédigé en 1973. Raspail y dépeint la capitulation des élites françaises, confrontées à un déferlement, sur les côtes, de miséreux asiatiques. Ce roman a connu un beau succès et plusieurs rééditions, sans que Raspail, lui non plus, soit jamais invité dans les "grands medias" (à l'exception d'un mémorable passage chez Taddei). Bref, la mort de Venner nous rappelle, une fois de plus, que c'est sous le radar qu'il faut guetter les pulsions de la société.

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