Découper Trump en journées

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 59 commentaires

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Comme on rajeunit de dix ans, tout d'un coup ! Les medias du monde expérimentent

avec Trump ce qu'ont expérimenté les medias français en 2007, dans les premiers mois, ou les premières années, de la présidence Sarkozy : comment traiter une provocation par jour. Ou un rideau de fumée. Ou un leurre. Instinctivement, on sent le piège : foncer dans les muletas, pousser des cris d'effroi, c'est faire son jeu, et lui servir sur un plateau l'argument des "dishonest-media" dérangés par l'outsider qui va perturber le système. En même temps, impossible de ne pas en parler. Impossible pour les reporters de ne pas foncer dans les aéroports, pour donner la parole aux refoulés, quand ils sont admis à pénétrer sur le territoire, après de longues heures d'attente.

Comment ne pas se laisser hypnotiser par Trump ?Cette synthèse quotidienne du Monde en fournit un exemple intéressant. De quoi parle-t-elle ? De la journée de Trump. Dans tous ses aspects. Après quinze jours d'exercice, le feuilleton Trump s'est démultiplié en sous-feuilletons : Trump et les visas refusés aux ressortissants de sept pays, Trump et ses conflits d'intérêt, Trump et Poutine (pour n'en citer que quelques uns). Aucun esprit humain n'est capable de suivre simultanément, dans le détail, tous ces feuilletons. En plus, est-ce bien nécessaire ?

Découper Trump en journées, c'est une manière de lutter contre la Trump-saturation, contre l'overtrump. Traiter, au jour le jour, à plat, les rebondissements de ces trois feuilletons, de la même manière que dans une série, les scénaristes nous font suivre en alternance les rebondissements de trois sous-intrigues différentes, ou les actions simultanées de trois personnages. Découper Trump en journées, c'est dire aux lecteurs :"nous savons bien que ce feuilleton vous intéresse, mais nous n'allons pas le laisser polluer le reste de l'actualité". Et c'est dire à Trump lui-même : nous savons bien qu'au fond, tu n'es rien d'autre qu'un personnage de fiction. Nous savons bien que tes mises en scène de signatures de décrets ne sont rien d'autre que des mises en scène (comme le lui a magistralement renvoyé la numéro 2 du gouvernement sudédois, Isabella Lövin, en signant un projet de loi climat dans une hilarante parodie de la mise en scène trumpienne).

Nous savons bien qu'au fond, le mur ne sera jamais vraiment construit. Nous savons bien, ou au moins nous postulons, que des juges, des parlementaires, des pays étrangers, t'arrêteront, comme ils t'ont arrêté dans l'affaire des visas refusés, suivis en cela par ta propre administration. Ce n'est certes une solution opérationnelle qu'aussi longtemps que les gesticulations de Trump n'impriment pas vraiment dans le réel. Disons que c'est une solution d'attente.

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