Décolonial : ce que Piolle aurait pu dire...

Daniel Schneidermann - - (In)visibilités - Le matinaute - 230 commentaires

À son tour ? Voici le maire "rouge-vert", comme on dit, de Grenoble, Eric Piolle, sous le feu de Rokhaya Diallo ("lâcheté"), et de Taha Bouhafs ("il se couche"),  à propos du "mois décolonial" de Grenoble. À la suite des manifestations d'indignation habituelles (Dupont-Aignan, Wauquiez, Ciotti, etc), la mairie de Grenoble, l'université et l'institut d'études politiques viennent en effet de demander aux organisateurs de ce "Mois décolonial" de retirer leurs logos des affiches, n'étant pas "partenaires" de la manifestation, qui souhaite "déconstruire l'imaginaire colonial". La raison, donc ? L'invitation de l'essayiste, chroniqueuse, polémiste et réalisatrice Rokhaya Diallo et de Taha Bouhafs, aujourd'hui journaliste au Média. Tous deux, rappelons-le, ont été souvent invités sur notre plateau (et tout le monde en était sorti indemne, mais nous ne sommes pas à Grenoble, il est vrai).

Vérification faite, il semble que la mairie de Grenoble, à la différence de l'université et de l'IEP, n'avait pas accordé la subvention sollicitée par le "Mois décolonial" : "La demande a été reçue, mais pas instruite"répond-elle laconiquement à Marianne, en précisant que certaines manifestations se tiendront tout de même dans des locaux de la Ville. Quant à l'université et l'IEP, ils expliquent que leur bonne foi a été trompée : ils pensaient subventionner une manifestation artistique, et non polémique. 

Soit. Le logo de la mairie n'aurait pas dû figurer sur les affiches. Pour autant, la réaction de la Ville de Grenoble était-elle la seule envisageable ? Eric Piolle n'aurait-il pas pu dire : "On n'est pas d'accord avec toutes les analyses de Rokhaya Diallo et Taha Bouhafs, leurs méthodes, leurs angles d'approche, leurs choix de vacances, leur marque de yaourt préférée, la couleur des sparadraps de l'une, la marque de savon à barbe de l'autre, MAIS compte tenu des attaques dont sont l'objet ces deux citoyens qui n'ont jamais été condamnés par la justice, et pour bien montrer que nous ne cédons pas à un climat glaçant, nous accordons aujourd'hui à l'événement une subvention symbolique d'un euro, et le droit d'utiliser le logo de la mairie de Grenoble" ? Tiens, il aurait même pu ajouter : "Par ailleurs, je me rendrai personnellement à leurs manifestations, avec mon écharpe tricolore, pour leur accorder mon salut républicain, et m'informer en direct de ces discours qui déchainent tant de craintes de mes adversaires polémiques". Voilà ce qu'aurait pu dire Éric Piolle, pour résister à une certaine atmosphère glaçante. Mais je ne suis pas maire de Grenoble.


Lire sur arretsurimages.net.