De la trumpologie et de la recherche de bugs
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 22 commentaires
"A l'OTAN, Trump souffle le chaud et le froid"
, annonce le journal matinal de France Inter. Rien de plus commode que ces clichés journalistiques, pour tenter de décrire des événements auxquels on ne comprend pas grand chose, ou dont l'explication exigerait davantage que les vingt secondes réglementaires.
Pourquoi tant de haine de Trump à l'égard de l'Allemagne ? Pourquoi, à peine avait-il posé le pied à Bruxelles, expliquait-il que l'Allemagne était "complètement contrôlée par la Russie", à propos d'un projet de pipeline exportant vers l'Allemagne du gaz russe ? Pourquoi ces incompréhensibles provocations à l'égard des alliés de l'OTAN, exigeant d'eux une hausse du budget de la Défense à hauteur de 4%, alors qu'ils s'essoufflent déjà à atteindre les 2% exigés ?
Site de bonne réputation,Politico passe en revue les raisons possibles. Les origines allemandes du promoteur-président ; sa misogynie ; l'inaptitude de Merkel à la flatterie (à l'inverse de Macron ou Abe), etc etc. En fait, on peut tenter de procéder dans la recherche des comportements trumpiens comme dans la recherche de causes d'un bug apparemment aléatoire : chercher le point commun caché.
A lire de près les déclarations de Trump à l'OTAN, toutes peuvent avoir une explication commune : commerciale. Quand il exprime sa mauvaise humeur à l'égard du pipeline Nord Stream 2, qui doit acheminer vers l'Europe du gaz russe en évitant soigneusement l'Ukraine, ce n'est pas (seulement?) par tropisme pro-ukrainien. C'est parce que les USA sont dans une stratégie d'exportation vers l'Europe de leur propre gaz naturel. Quant à son exigence soudaine des 4%, est-il possible de la détacher des efforts américains pour vendre à l'Europe le F 35, l'avion le plus coûteux de tout le programme de l'aviation militaire ? Même si ces choses passent largement au-dessus de la tête des médias généralistes, qui traitent d'affaires footballistiques plus urgentes, la bataille commerciale autour du F 35 fait rage. On peut regarder ici un argumentaire anti F 35. Ou lire là une bonne synthèse des enjeux.
Comme dans le cas des sanctions iraniennes, ne vous demandez pas ce que pense Trump. Demandez vous ce qu'il a à vendre. Je ne dis pas que ce soit une clé universelle de la trumpologie. Certains bugs, et tous les développeurs qui me lisent me comprendront, restent désespérément incompréhensibles. Je dis seulement qu'elle semble cohérente.