De Fillon aux otages d'Arlit, des gens sérieux
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 111 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Un des arguments déployés contre Hamon, c'est son amateurisme, et son défaut de "présidentialité".
Ecoutez-le parler. Regardez-le marcher. Regardez comment il s'habille. Franchement, vous imaginez ce gars à l'Elysée, sous les dorures ? Vous l'imaginez commander à des généraux ? Qu'il reste donc à ses rêveries fumeuses. Ne vaut-il pas mieux laisser le job à de vrais professionnels, des gens sérieux, qui maitrisent le Régalien (R majuscule, s'il vous plait) ?
Des gens sérieux, il en était question hier soir, dans une longue et remarquable enquête d'Envoyé Spécial sur les otages d'Arlit (détenus de 2010 à 2013). Du sérieux de chez sérieux. Jouant habilement de la rivalité entre deux ex-espions impliqués dans la négociation, rivalité publique depuis l'an dernier, l'émission déroule une saga hallucinante, avec des protagonistes plus sérieux les uns que les autres. Deux présidents successifs, Hollande et Sarkozy. Un ministre de la Défense, Le Drian. Des directeurs de la DGSE. Des dirigeants d'Areva. Résultat : cafouillages et amateurisme à tous les niveaux, aussi bien sous la présidence Sarkozy que sous la présidence Hollande ; rivalités et absence de coordination entre AREVA , la DGSE, et le Ministère de la Défense ; mises sur pied de filières concurrentes de négociations ; contretemps inexpliqués ; soupçons qu'une partie des rançons versées ait pu revenir à des politiques français (à cet instant, images de Claude Guéant à l'écran), sous forme de rétrocommissions ; et pour finir, une hypothèse : si les deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été exécutés, en novembre 2013, ce serait en représailles contre la France, qui n'aurait pas tenu ses engagements dans les prises d'otages antérieures. Une hypothèse, rien de plus. Mais sérieuse.
Deux heures plus tôt, sur TF1, un autre gars sérieux, nommé Fillon, François, expliquait qu'il avait salarié sa femme pendant des années, parce qu'elle "lui faisait remonter des évolutions de notre société". Un boulot sérieux, de "faire remonter des évolutions de notre société". Je ne sais pas pourquoi on n'y pense pas plus souvent, pour réduire les chiffres du chômage. Il avait aussi rétribué deux de ses fils, avocats, choisis "pour leur compétence", bien entendu. Une sérieuse compétence, certainement.