Dans les rêves de Pujadas
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 59 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Décidément, le crash du Rio-Paris a réveillé Pujadas.
Soir après soir, il fait l'enquête en direct. Il est dans les avions de recherche et auprès des familles des victimes. Il ne sait rien mais envisage tout. Son interview, mercredi soir, du président du Bureau Enquêtes Accident Paul-Louis Arslanian restera comme un modèle de confrontation de deux logiques. Bombardé d'hypothèses pujadiennes (foudre ? grêle ? attentat ?) Arslanian a passé dix méritoires minutes à les esquiver en direct. En expliquant les raisons de ses esquives : envisager une "hypothèse", ce serait courir le risque de s'y enfermer, et de négliger toutes les autres. La méthode du BEA est à l'opposé : partir des élements disponibles (essentiellement, pour l'instant, les fameux messages d'alerte automatisés) mêmes s'ils sont encore rares et épars, pour commencer de rassembler l'immense puzzle. Mais sans modèle préalable. |
Pujadas, journaliste de temps réel jusqu'au bout des ongles, est hermétique à cette logique. Il faut des réponses, là, maintenant, tout de suite. Ou tout au moins, des débuts de réponse. "Je sais bien que vous n'aimez pas faire d'hypothèses, mais..." Inlassablement, il repart à l'assaut. N'importe quoi, pourvu que ce soit tangible. Et puisse faire de la reprise.
Quelques minutes après Arslanian, il recevait Martine Aubry, venue débiter en pilotage automatique le credo socialiste pour les Européennes. Sur sa lancée, il tenta d'arracher la première secrétaire à son numéro. "Je sais bien que vous n'aimez pas évoquer les sondages, mais..." Les deux invités successifs dessinaient en creux le portrait du client idéal, dans les fantasmes pujadiens. L'invité idéal a déjà trouvé le coupable avant d'avoir commencé l'enquête, et il se lamente sans fausse honte sur ses mauvais sondages. Précipitation, confession, voilà les ingrédients d'un 20 Heures de rêve, si seulement le réel voulait bien se plier à ses règles.