Corruption : quand France Inter sermonne la Roumanie

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 63 commentaires

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C'est l'instant du coup de règle sur les doigts.

S'étant en grande pompe décentralisé à Bucarest (avec des subventions de l'UE) Patrick Cohen, de France Inter, sermonne gentiment mais fermement le Premier ministre roumain Victor Ponta. Alors, Monsieur le Premier ministre, ce qui s'est passé cette semaine chez vous, ce n'est pas joli joli. Et c'est vrai : les députés roumains viennent d'adopter par surprise des amendements exonérant les élus et le président de toute poursuite pour corruption. "Mardi noir de la démocratie roumaine" tonnent les ONG. L'UE tempête. Les Etats-Unis sont attentifs. Mais que tremble la Roumanie corrompue : Patrick Cohen, journaliste libre d'un Etat de droit, veille. Et le Roumain de balbutier : c'est pas moi, Msieur. C'est les députés. On va discuter. Leur expliquer. On va trouver une solution acceptable pour tout le monde.

Une amnistie des élus ? A la veille des fêtes de fin d'année ? En pleine nuit ? Par surprise ? Mettant les citoyens devant le fait accompli ? Ce n'est pas dans les démocraties occidentales avancées, que l'on verrait des choses pareilles. Au moins depuis le 21 décembre 1989, lors de la fameuse amnistie parlementaire, consécutive à un scandale de financement occulte du PS. On pourra se rafraîchir la mémoire ici.

1989, c'est vieux. C'est le siècle dernier. Depuis, la législation française a évolué. Des garde-fous ont été dressés. Ce n'est pas chez nous que l'on verrait des choses pareilles. Ce n'est pas dans les exemplaires démocraties européennes, que l'on verrait un président de l'Assemblée se battre farouchement pour vider de son contenu une loi sur la transparence du patrimoine des élus, après que Le Canard enchaîné eût publié des photos de sa magnifique résidence (dans laquelle il avait fait travailler un architecte précédemment employé par la collectivité locale qu'il dirigeait). Ce n'est pas au pays de Patrick Cohen, que l'on verrait des parlementaires fulminer contre des journalistes qui tentent d'enquêter sur leurs liens avec le lobby du tabac, ou celui de la charcuterie industrielle. Ce n'est pas chez nous, que l'on verrait une parlementaire européenne dissimuler ses revenus d'avocate, et lobbyiser pour le compte d'intérêts gaziers. Sous réserve bien entendu de la suite de l'enquête, mais nul ne doute que Patrick Cohen, dès son retour de Bucarest, va s'emparer de l'affaire.

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