Contaminations : l'étrange baisse

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 110 commentaires

Vous y comprenez quelque chose, vous, à la situation au front ? À en croire Guillaume Rozier, les chiffres de contamination baissent. En tous cas, ils augmentent moins vite. Il y a une baisse du niveau de l'augmentation. "La baisse du nombre de cas s'accélère. Mais reste faible pour le moment" dit Rozier. Mais les variants ? Comment les variants vont-ils contrarier (ou non) ce (faible) mouvement de baisse qui s'accélère ? Il est bien compliqué d'y voir clair dans le brouillard du temps réel. D'autant que chaque jour charrie ses informations déroutantes. Comme cette étude de l'Inserm, fondée sur l'observation de 200 000 vaillants volontaires, rapportée par Le Monde, et qui indique que le virus circulait sans doute déjà en France en novembre 2019.

Tenter de dégager les lignes de force, dans le brouillard du temps réel, devrait être la mission des journalistes. Les réussites y sont rares. Relire avec quelques dizaines d'années de distance la production médiatique dominante est un exercice le plus souvent cruel. La nôtre n'y échappera pas. Il y a néanmoins quelques exceptions. Meilleur exemple : le fameux ouvrage L'étrange défaite de Marc Bloch, dans lequel l'historien, affecté à la distribution des carburants dans une unité combattante en 1940, combine sa science d'historien, des réflexes de correspondant de guerre, et son expérience de terrain pour fournir, dès 1940, une explication de la défaite, sidérante de lucidité.

Génération après génération, ce texte se transmet, et garde sa puissance de perspicacité. Dernier exemple en date : ce podcast enthousiaste de deux heures, consacré à l'ouvrage par les jeunes gens du site La Cellule, habituellement consacré aux jeux de rôle. Téléchargez-le : un peu d'enthousiasme ne fait jamais de mal. De cette transmission-là, je suis d'autant plus heureux que j'y ai contribué : c'est parce que j'ai cité Marc Bloch lors de mon interview, voici deux ans, sur la chaîne YouTube Thinkerview, que Romaric Briand, de La Cellule, a entendu parler du livre de Bloch, se l'est fait offrir, et en a été, lui aussi, sidéré. On ne dira jamais assez de mal d'Internet en général, et des réseaux sociaux en particulier, mais ils servent aussi à ça.


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