Confinés en goguette

Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 77 commentaires

Dans la morne routine de la France confinée, nous foudroie parfois un ravissement inattendu. Signe qui ne trompe pas, mon beau-frère et Ariane Chemin, du Monde, ont envoyé, ou forwardé, ou liké quasi-simultanément, hier soir, ce petit chef-d'oeuvre.

Pour que mon beau-frère et Ariane Chemin, du Monde, m'envoient la même vidéo quasi au même moment, c'est vraiment qu'il se passe quelque chose de fort. Les Goguettes ne sont pas nés du confinement. Avant le 16 mars, ils se produisaient régulièrement sur scène depuis quelques années (tout le répertoire est sur leur chaîne YouTube, que je vous laisse découvrir, comme je l'ai compulsivement découverte hier soir). Ils ne sont pas les premiers à détourner tous les standards de la variété française. Mais ce génie dans la captation de l'air du temps, une captation toute simple, naturelle, je ne l'avais pas rencontré depuis, au moins, Thierry Le Luron, ce qui ne nous rajeunit pas.

"Chauffe, personne !" Je ne suis que goguettologue débutant, mais le groupe me semble encore plus drôle confiné, sans le soutien du CNC mais avec les moyens du bord, qu'à l'air libre. Il y a une créativité du confinement. Il y a un art du confinement. Et qui risque de durer, et d'imposer ses codes, si j'en crois cette enquête fleuve du Monde, publiée hier, et qui brosse le sombre horizon des salles, et des festivals, de l'industrie culturelle traditionnelle, des plus confidentiels aux plus prestigieux (soit dit en passant, cette enquête cite 43 noms masculins, pour quatre noms de femmes, incluant Madonna et Björk, ce qui confirme une étrange tendance observée depuis le début du confinement. Fin de la parenthèse). Le public durablement privé de ses salles ne perdra pas tout au change. 

Reste bien sûr à trouver un modèle économique qui permette de financer la création. C'est l'affaire de chacun et de chacune - et éventuellement d'ailleurs, pourquoi pas, du CNC, et autres institutions subventionnantes ! Dans un autre domaine, une centaine de libraires français viennent de s'y atteler, en se proposant de prendre les commandes, et les livrer par la porte entrebâillée du magasin. Je vous laisse, j'ai quelques ouvrages à commander. Et en attendant, pour la route, cet hommage à Christophe.



Lire sur arretsurimages.net.