Comment Pelosi-la-déchireuse a perdu la bataille

Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Le matinaute - 99 commentaires

Quand Nancy Pelosi, le 5 février, sur son perchoir de présidente de la chambre des représentants des Etats-Unis, déchire spectaculairement son exemplaire du discours annuel sur l'état de l'Union que vient de prononcer Trump, elle n'a pas encore perdu le combat. Elle s'avance à découvert, elle engage un combat incertain sur le terrain de l'adversaire. Mais le culot peut payer, dans cette guerre trumpienne perpétuelle où désormais seul le culot paie, où le culot est le seul arbitre, sans appel possible. Une image chassant l'autre, elle peut espérer, en viralisant ces quelques secondes, effacer le souvenir de son combat perdu pour la destitution de Trump.

Mais le camp Trump trouve quelques jours plus tard une riposte foudroyante. Le montage ci-dessous, où l'image de Pelosi-la-déchireuse a été intercalée entre toutes les séquences de mise à l'honneur de héros américains, dont Trump a truffé son discours, le transformant en reality show. Pourtant à cet instant-là, même avec cette vidéo-là qui retourne contre elle sa propre image, Pelosi n'a pas encore perdu.

On apprend ce matin que Twitter et Facebook viennent de rejeter la demande de Pelosi, de censurer le montage Trump. "Cette fausse vidéo de Nancy Pelosi est conçue pour tromper les Américains et leur mentir" avait plaidé son chef de cabinet, en argumentant, selon Le Monde, que "la démocrate s’est levée et a applaudi au moment de l’hommage rendu à Charles McGee, dernier pilote encore en vie des Tuskegee Airmen, un groupe d’aviateurs afro-américains de la seconde guerre mondiale. Alors que le montage publié par Donald Trump la montre en train de déchirer le discours."

C'est cette demande absurde, et ce refus, qui scellent la cruelle défaite de Pelosi. En sollicitant sa censure aux géants des réseaux sociaux, elle admet le mal que lui fait ce terrible montage. Ce montage n'était pourtant rien d'autre qu'un montage. Pelosi pouvait postuler que l'intelligence collective des Américains leur permettrait de n'y voir qu'un montage, et de réaliser qu'elle n'avait pas vraiment déchiré dix fois de suite les mêmes papiers. Elle pouvait aussi y répliquer par l'humour, comme Alexandria Ocasio Cortez a su le faire à l'occasion. Mais non. Face à Trump, président troll aux doigts alertes, c'est elle, la politicienne octogénaire, qui réagit sur le mode autoritaire-arthrosé, en exigeant une censure. C'est Trump qui est au pouvoir -et qui, accessoirement, y engrange les succès économiques-, c'est Trump qui  assujettit sa politique extérieure, en Ukraine par exemple, à ses vendettas politiques, et c'est Pelosi qui apparait comme liberticide. Imparable.

Lire sur arretsurimages.net.