Comment Bordas s'est noyée dans la baignoire de Cloclo

Daniel Schneidermann - - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 60 commentaires

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Patrick Cohen s'amuse bien. C'est vrai qu'elle est amusante, cette affaire de la baignoire de Claude François

, qu'il résume dans son billet matinal. Elle vous a échappé ? Apprenez donc que les Editions Bordas se sont pris les pieds dans ladite baignoire. Dans son cahier Physique Chimie 3e, édition 2016, Bordas proposait un exercice commençant par ces mots : " alors qu'il prenait un bain, le chanteur Claude François remarqua que l'applique surplombant sa baignoire n'était pas droite..." On connait la suite. Et l'exercice se finit ainsi : "la résistance de son corps était faible, et a permis le passage d'une forte intensité ; il était resté "collé" à l'applique, aggravant les dommages" Que signifient ces deux conclusions du rapport de police ?" Tollé sur les réseaux sociaux. Et retraite piteuse des Editions Bordas, qui vont envoyer au pilon les cahiers Physique Chimie, édition 2016, pour en retirer l'exercice fautif. Et fin de l'histoire, dans le billet matinal de Patrick Cohen.

Mais raconter l'histoire ainsi, sous forme d'une simple anecdote savoureuse, c'est en omettre l'essentiel. Après tout, pourquoi serait-il interdit de prendre pour support d'un exercice la mort d'une figure populaire ? Cloclo est-il jugé trop vulgaire pour entrer dans les manuels scolaires ? Au contraire, l'exercice est-il une atteinte à l'icône ? Gratte-t-il inutilement la plaie encore saignante d'un traumatisme national remontant tout de même à quatre décennies ? Rien de tout ça.

Les infortunées Editions Bordas proposaient cet exercice dans le cadre d'un EPI (Enseignement Pratique Interdisciplinaire), mêlant sciences physiques et chimiques, et sciences de la vie et de la terre. Les EPI sont un des éléments de la réforme du collège, menée depuis le début du quinquennat Hollande. Même si toutes les modalités pratiques n'en sont pas encore clairement définies (mais qu'est-ce qu'on s'en fiche, des modalités pratiques ; l'essentiel n'est-il pas d'afficher un beau bilan plein de belles réformes à la fin du quinquennat ?) le principe consiste à croiser différentes disciplines, et à susciter de créatifs ateliers interdisiplinaires. Ces EPI sont ardemment défendus par la ministre Najat Vallaud-Belkacem.

Comme toute réforme des programmes qui se respecte, de la guerre du circonflexe à celle du scoubidou, celle-ci a déchainé une mêlée aussi furieuse que confuse, à coups de procès d'intention et d'arrière-pensées syndicales, et à coups d'insultes et de sarcasmes. Je me garderai soigneusement de trancher la querelle. A chaque fois qu'on l'a tenté dans une émission, comme ici ou ici, on est sortis du débat plus embrouillés qu'à l'entrée. On peut néanmoins en avoir une idée assez juste en se promenant sur le hashtag #EPIpartage de Twitter, où s'affrontent pro et anti-EPI. C'est ainsi que les anti-EPI ont sauté sur Cloclo pour, à travers lui, poignarder Vallaud-Belkacem, en propageant sur les réseaux sociaux l'exercice de Bordas (un des premiers tweets lançant l'affaire est celui du syndicat SNES FSU. C'est ainsi que Cloclo est re-mort en 2016, sur le front des enseignements pratiques interdisciplinaires.

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