Comme en 14

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 56 commentaires

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C'est une phrase qui n'a pas été très relevée


 


par les radios du matin. Annonçant, lors de sa visite aux parachutistes de Castres, le futur débat sur l'Afghanistan au Parlement, Sarkozy a lancé ce défi à d'éventuels opposants à la guerre : « Que chaque parlementaire prenne ses responsabilités et dise devant le pays : «Est-ce que nos soldats sont morts pour rien ?»

Au moins, les choses sont simples : il faut continuer à faire la guerre, puisque nous avons commencé à faire la guerre. Voici un débat qui s'annonce bien. Les élus qui voteraient contre la poursuite de la participation française à la guerre d'Afghanistan sont donc accusés à l'avance de tuer une deuxième fois les soldats, et pourquoi pas de leur donner un coup de poignard dans le dos. Mais alors, pourquoi un vote ? Il faut aller jusqu'au bout de la logique, arrêter préventivement les parlementaires séditieux au petit matin, et les interner pour atteinte aux intérêts supérieurs de la nation.

De l'Afghanistan à la Russie, il est fascinant de voir comment la guerre (ou l'ombre de la guerre) nous enferme progressivement dans la guerre, comment elle produit mécaniquement de la propagande de guerre et, dans la bouche des dirigeants et des journalistes, de la rhétorique de guerre. Démonisation de l'adversaire (il n'est question aux radios du matin que du "bras d'honneur", de la "provocation" des Russes à propos de la reconnaissance de l'Ossétie et de l'Abhazie, sans que nul ne s'attarde à analyser les choses de leur point de vue), appels à l'union sacrée autour des soldats, dénonciation des mauvais Français. Bientôt, la censure préventive, les pages blanches dans les journaux ? On n'en est pas encore là. Mais que d'autres soldats français tombent dans d'autres embuscades, que reviennent en Transall d'autres cercueils, et l'on verra le processus se mettre en route, comme en 14.

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