Chut ! La clé de voûte de l'euro s'est effondrée

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 34 commentaires

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Le saviez-vous ? Le pacte de stabilité est mort.

Oui, le fameux, le sacro-saint objectif des déficits publics contenus à 3% du PIB. C'est fini. Enterré. On n'en parlera plus. C'est Le Monde d'hier, sous la plume de sa correspondante à Bruxelles Cécile Ducourtieux, qui nous en informait. L'Espagne et le Portugal ayant allègrement dépassé l'objectif, l'UE ne prendra aucune sanction. Impossible de sanctionner l'Espagne, qui ne dispose même pas d'un gouvernement stable. Et si l'on ferme les yeux sur l'Espagne, et son gouvernement provisoire de droite, comment sanctionner le Portugal, et son gouvernement de gauche ?

Ce qui est intéressant, dans cette information, c'est sa sous-médiatisation. En pleine crise européenne, on imagine comme le sacrifice de ce symbole, hier encore présenté comme la clé de voûte de la confiance des marchés dans l'Euro, aurait fait les gros titres, déchainé les polémiques et les prévisions apocalyptiques. Là, rien. La décision de la Commission européenne de fermer les yeux sur les dérapages budgétaires espagnol et portugais (ou, plus précisément, de décaler sa décision au mois de juillet, soit après le référendum britannique) date de la mi-mai. Il aura donc fallu plusieurs semaines, pour que même Le Monde en dégage la signification. Sans doute l'Intranet de la Commission avait-il un bug. De même, Le Monde n'a pas choisi de privilégier cet avis de décès du pacte de stabilité. Sa Une de mardi était pourtant consacrée à l'Europe, mais à un autre aspect de la crise européenne (le Brexit). Et si l'un de ses articles a fait le buzz en début de semaine, c'est plutôt l'analyse géopolitique du footballeur Zlatan Ibrahimovic.

On comprend que les regards soient fixés ailleurs, notamment en France. Terrorisme, mouvement anti-loi Travail, inondations, insoutenable compte à rebours avant "le début de l'Euro" (de foot) : les sujets d'importance ne manquent pas (cherchez l'intrus). Sans doute, dans cette sous-médiatisation, n'entre-t-il aucune conspiration consciente du silence. Peut-être certains soupçonnent-ils Juncker et Moscovici d'attendre l'après-référendum britannique pour mieux sauter sur le poil de l'Espagne et du Portugal. Peut-être, plus simplement, personne n'a intérêt à organiser aux 3% des obsèques trop solennelles. Ni les pays qui ont transgressé l'objectif, ni l'Allemagne apparemment tétanisée par le risque du Brexit, ni la Commission, qui a sans doute intériorisé sa défaite politique, ni même les éditocrates perroquets de l'équilibre budgétaire, sentinelles qui viennent de prendre conscience de la désertion des généraux. La Commission, dit Cécile Ducourtieux, "espère que les medias ne vont pas trop s'en apercevoir". C'est en bonne voie.

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