Charlie : Pujadas en "cellule de crise"
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 35 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Ce n'est pas le Pujadas du 20 Heures, qui ouvre la semaine de célébrations médiatiques
de l'anniversaire des attentats de janvier 2015. C'est un Pujadas dans la pénombre, le visage creusé par les nuits d'investigation, qui va donc nous dévoiler les coulisses des secrets du coeur de l'appareil d'Etat au coeur des secrets des coulisses des grandes crises. D'ailleurs, l'émission s'appelle "Cellule de crise". Infographies, reconstitutions de conversations, images de synthèse, toute la panoplie est déployée, les infographistes figurant même les policières avec les formes de Lara Croft, pour qu'on ne s'y trompe pas. Mais pas de truquage : quand l'émission reproduit, crachotements inclus, une conversation radio de la police, indiquant que les policiers du 11e arrondissement ne connaissaient pas l'adresse du siège de Charlie Hebdo, on signale clairement qu'elle est reproduite. A la panoplie, ne manque qu'un accessoire : l'imper d'Elise Lucet. On comprend vite néanmoins que là est le propos premier de cette nouvelle émission : permettre à l'homme-tronc du 20 Heures d'arborer, comme sa consoeur-tronc du 13 Heures, de vrais galons d'investigateur de terrain.
Adossé à ce dispositif maousse, Pujadas balance donc, mine de rien, le quota réglementaire de révélations. Non, les policiers de l'arrondissement ne connaissaient pas l'adresse de Charlie Hebdo. Oui, les Kouachi, sortant de l'immeuble de Charlie, ont été canardés sans succès par les premiers policiers présents sur place -"on n'est pas entraînés au tir de précision, mais au tir de riposte" confesse avec franchise un policier. Non, les policiers présents sur le terrain n'ont pas la priorité sur les fréquences radio de la police : en cas d'embouteillage sur la fréquence, ce sont les questions des grands chefs, qui sont prioritaires. Non, les 1200 caméras de surveillance installées à Paris ne suffisent pas à retrouver une voiture noire en cavale. Donnant la parole aux multiples chapeaux à plumes de la police, l'enquête se tient à la bonne distance, entre journalisme embeddé et police-bashing.
Pourquoi donc le ministre de l'Intérieur a-t-il refusé de parler aux caméras de Pujadas ? Quel est le sujet brûlant qui met mal à l'aise Bernard Cazeneuve ? Ce ne sont pas les petits ratés des premières heures, pas davantage que la guerre des polices. Ce sont...les lacunes de la protection de Charb, telles que dénoncées par Ingrid Brinsolaro, la veuve de Franck Brinsolaro, policier chargé de sa protection. Pourquoi seulement deux gardes du corps ? Pourquoi la voiture de police stationnée devant l'immeuble avait-elle été remplacée quelques mois plus tôt par des rondes de police, toutes les demi-heures ? "Quand nous avons commencé à poser des questions sur ce sujet, nos tournages ont été annulés, et Bernard Cazeneuve a refusé de nous parler" explique une journaliste de l'équipe. Bref, quelques grains de poussière restent peut-être encore sous le tapis. D'autres révélations à venir dans la semaine ?