Censure (s) française (s)

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 78 commentaires

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Vous en avez sans doute entendu parler, la RATP vient de censurer une affiche

annonçant un prochain concert de prêtres, à l'Olympia, à Paris. Motif de l'interdiction ? L'affiche annonçait que les bénéfices du concert iraient "aux chrétiens d'Orient". Cette affiche, la voici.

Prenons un instant, et demandons-nous ce que nous en pensons. Donnons-nous raison à la RATP ? La condamnons-nous ? Très bien. Voici maintenant une autre histoire.

Vous n'en avez sans doute pas entendu parler, mais une autre affiche a été censurée ces jours-ci : l'affiche pour le film Bonté divine, qui sort en partenariat avec Charlie Hebdo. Ce film croate raconte l'histoire burlesquo-tragique d'un prêtre qui décide de percer les préservatifs en vente dans sa paroisse, afin de faire repartir la natalité. Le film est sorti hier en France, dans une trentaine de salles, mais sans son affiche originelle. Cette affiche -pourtant placardée sans difficulté en Italie, par exemple- a dû être refaite trois fois, pour être admise sur les emplacements français. Ci-dessous, de gauche à droite, les différentes versions, telles que les publie Charlie Hebdo. Je vous laisse apprécier les différences.

L'histoire de cette censure est racontée en détail dans le dernier Charlie Hebdo, en vente cette semaine, par le distributeur français du film Loïc Magneron, interrogé par Gérard Biard. Bizarrement, alors que la disparition progressive de l'ustensile fatal du champ visuel est savoureuse, elle n'a pas encore "buzzé" (ce qui explique la piètre qualité de l'image ci-dessus, dont je vous prie humblement de m'excuser). Les dessinateurs de Charlie n'ont pas de comptes Twitter. Ses lecteurs non plus, sans doute.

Les deux censures n'ont ni les mêmes raisons (le groupe social présumé heurté n'est pas le même dans chacun des deux cas) ni, pour l'instant en tout cas, le même retentissement. Les défenseurs des chrétiens d'Orient étaient invités ce matin par Bourdin sur RMC, pour protester contre "l'intégrisme laïcard". Le distributeur français de Bonté divine ne s'est exprimé "que" dans Charlie Hebdo qui, malgré ses dizaines de milliers de nouveaux lecteurs, n'a manifestement pas encore les moyens d'infléchir l'agenda médiatique (le seul aspect de l'histoire ayant un peu buzzé est la présence d'un dessin posthume de Charb, en bas à droite de l'affiche définitive). La coïncidence des deux livre pourtant une image édifiante de la pasteurisation de l'espace public.

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