Cahuzac, L'Obs, et les ascenseurs

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 114 commentaires

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Pierre Moscovici ne peut rien dire: attention, secret fiscal.

Et nul ne le respecte plus que lui, le secret fiscal. Le ministre de l'Economie ne dira rien, mais il confirme tout de même, sur France Inter, que l'administration a bien reçu un document en provenance de l'UBS, à propos du compte présumé de Cahuzac. Et que dit ce document ? demande Patrick Cohen, qui tente sa chance. Je ne peux pas vous le dire, mais dès le départ, je n'avais aucun doute. Et votre absence de doute a été confortée par ce document ? Oui. Autrement dit, du fond de son vertueux mutisme, le ministre annonce tout de même, à la radio, le matin, que tout va bien. Jérôme Cahuzac est blanchi par "un document", reçu par l'administration de Cahuzac Jérôme, que personne n'a vu, mais dont Le Nouvel Obs a tout de même appris qu'il "semble" qu'il blanchisse le ministre de tout soupçon. Dès hier, nous vous racontions tout ce bel épisode de journalisme conditionnel (et l'investigateur de Mediapart, Fabrice Arfi, livre son analyse ici).

Ne présumons de rien. Il n'y a peut-être pas de compte suisse. La fameuse conversation téléphonique de Cahuzac était peut-être tenue sur le mode de la plaisanterie. Et Cahuzac s'est peut-être en effet, comme l'assure Moscovici, "déporté" de la procédure de demande d'information aux Suisses. Quand la réponse des Suisses est arrivée à Bercy, sans doute a-t-il pris un autre ascenseur. On n'en sait rien. Nous n'avons pas fait, ici, l'enquête de nos amis de Mediapart. Nous ne bénéficions pas d'informations cachées. Mais nous voyons ce que signifient toutes ces contorsions, ce que tout le monde voit, et devrait dénoncer: une situation objective, insupportable, de conflit d'intérêt. Que seule pourrait trancher une instance extérieure, supérieure, une sorte de Conseil constitutionnel des conflits d'intérêt, qui n'existe pas.

Accessoirement (mais ce n'est pas une surprise), ce petit épisode n'arrangera pas la réputation des médias traditionnels. Qui s'est prêté à l'entourloupe de Bercy ? Le Nouvel Obs. Attendez, ce nom nous dit quelque chose. Le Nouvel Obs, ce n'est pas cet hebdomadaire dont la directrice générale, Nathalie Collin, se trouvait sous les ors de l'Elysée, vendredi dernier, pour remercier chaleureusement, au nom de toute la presse française, le président de la République, et le gouvernement, d'avoir forcé Google à faire un petit don d'une soixante de millions à la presse en difficulté (l'histoire est ici, etla vidéo de la cérémonie, avec touchants remerciements, est là) ? Mais oui. C'est bien le même. On pourrait en conclure que l'ascenseur n'a pas tardé à être renvoyé. Je ne le dirai pas. Parce que je n'ai pas de preuves, et qu'il n'y en aura sans doute jamais. Disons que les apparences sont ennuyeuses.

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