Bouton du RIP : Castaner boude

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 38 commentaires

Alors, Christophe Castaner, il arrive, le bouton du référendum d'initiative partagée ? Quelle surprise ! Le ministre de l'Intérieur (et du Bouton) ne semble pas pressé de mettre en place la plateforme de recueil des 4 717 396 signatures nécessaires pour déclencher un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris, qu'il est pourtant chargé de mettre en place. A la lecture du Monde, on apprend qu'il a refusé de recevoir les huit parlementaires (dont six présidents de groupes) qui lui avaient demandé rendez-vous, pour s'enquérir de l'avancement des travaux. Et il les a renvoyés, chagrin, sur... le Conseil constitutionnel. Traduction : adressez-vous donc au cénacle des séniles qui, dans un moment d'égarement et de laxisme, ont validé votre référendum irresponsable. Pour le moment, Cricri boude.

Avant même cette bouderie, le gouvernement a tout fait, dans la coulisse, pour faire obstruction au RIP. On lit dans le même article de Manon Rescan, du Monde, l'argument déployé - en vain : dans la loi, un RIP ne peut porter sur un sujet faisant l’objet d’une loi promulguée depuis moins d’un an - ceci dans l'objectif de ne pas déstabiliser une jeune loi, non encore appliquée. Or, le 10 avril, la loi PACTE, qui contient le projet de privatisation d'Aéroports de Paris... n'avait pas encore été promulguée par le chef de l'Etat, même si elle avait été adoptée par le Parlement. Les promoteurs du RIP, a répété le gouvernement, ont donc joué avec une faille du texte. Le même argument (quelle coïncidence !) avait d'ailleurs été brandi, dans un précédent numéro du Monde, par deux constitutionnalistes, Olivier Duhamel et Nicolas Molfessis.

C'est toute la sournoise beauté du droit, que d'habiles exégètes peuvent lui faire dire tout et son contraire. En l'occurrence, s'appuyant sur "l'esprit" du RIP plutôt que sur sa lettre, les "Sages" auraient parfaitement pu prendre la décision contraire. Sans en rendre compte à personne : le Conseil est souverain. "L'esprit" du RIP, en effet, est d'être un instrument qui ne puisse jamais servir. Disons les choses : sur une question hautement politique, les "Sages" (sept nommés par l'ancien monde, contre seulement deux membres "nouveau monde") se sont dévergondés, en prenant une décision hautement politique. L'âpreté du pouvoir confirme en tout cas une chose : même si elle s'est, pour l'heure, éloignée des projecteurs, c'est une bataille décisive pour la démocratie qui se joue ici.

BONUS. Parce que j'ai bien conscience que c'est un sujet apparemment aride, un petit bonus récréatif, pour montrer comment se met en place la campagne médiatique anti-RIP. Ici, un podcast unilatéral du quotidien patronal Les Echos. Et là, comptez donc le nombre de "paradoxalement" et de "etc" dans ce brillant plaidoyer du spécialiste de l'économie Emmanuel Lechypre pour la privatisation d'ADP : 



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