Boucs émissaires ; quand les "défapeurs" succéderont aux Roms
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 53 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Cash investigation cible cette fois le diesel, et les petites intox des constructeurs, PSA en tête.
Comment les dirigeants de Peugeot enjolivent légèrement leurs efforts anti-pollution ? Très simple. Dans un laboratoire de PSA, Elise Lucet amène le directeur à contredire une interview donnée au Parisien par l'ex-grand manitou de la Recherche du groupe, Guillaume Faury, selon lequel "l'air qui sort des pots d'échappement est plus propre que l'air qui y rentre". Non non, concède le directeur, il est seulement plus propre "en particules" (à dire vrai, la différence n'apparaît pas clairement au spectateur, mais il apparait clairement que l'ex-grand chef a fait de l'intox dans Le Parisien, "un journal que tout le monde lit", comme dit Lucet). Et ce n'est pas tout. L'émission révèle aussi comment les automobilistes qui roulent au diesel ont découvert une nouvelle activité, le défapage. Vous ne connaissez pas ? Cela consiste, tout simplement, à retirer de sa voiture le Filtre A Particules obligatoire (FAP), afin de la rendre aussi polluante qu'avant. Très bien. On est informés.
Maintenant, demandez-vous ceci : comment entendez-vous parler du diesel, dans les JT et les médias généralistes ? Uniquement sous l'angle des rapports de force politiques. Ayrault va-t-il avoir le courage de résister aux Verts, qui exigent sa taxation (ou même, dans l'autre sens, va-t-il avoir le courage de le taxer) ? De combien va-t-il le taxer ? S'il ne le taxe pas assez, les Verts vont-ils quitter le gouvernement ? Autrement dit, sous l'apparence d'une stricte neutralité (entre les Verts et Ayrault, les JT ne tranchent pas, bien entendu) s'impose l'équation : écolos = taxe. Ecolos = khmers verts = impôts supplémentaires. Ecolos = ras le bol fiscal (sur la manière dont le thème du ras le bol fiscal, après avoir été porté à l'incandescence, notamment dans Le Monde et Libé, sous l'influence de journalistes épouvantés par leur feuille d'impôts, semble aujourd'hui en reflux, lire la chronique de notre éconaute).
Mais pourquoi n'entend-on jamais l'équation Peugeot = intox ? Pourquoi les thèmes d'émissions comme Cash Investigation ont-ils tant de mal à infuser dans le débat médiatique généraliste ? Pourquoi les dirigeants de PSA, les ministres, ne sont-ils jamais interpellés par Aphatie-Cohen-Elkabbach sur l'intox de PSA ? Pourquoi les "défapeurs" sont-ils un thème moins porteur que les Roms ? Pourquoi Manuel Valls ne dit-il pas qu'ils ont "vocation" à se faire retirer le permis de conduire, comme les Roms à rentrer en Roumanie ? Pourquoi les sketches de Laurent Gerra (il était l'autre soir l'invité de Drucker pendant toute une soirée sur France 2) portent-ils obsessionnellement sur les impôts, et pas sur le diesel ? Inégalité d'autant plus incompréhensible que les journalistes du Monde, comme les humoristes, respirent des particules fines tous les jours dans les rues de Paris, alors qu'ils n'ouvrent leur avis d'imposition qu'une fois par an. Prière de transmettre les réponses au site, qui les analysera.