Bolloré, et le fantôme de l'Olympia

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 12 commentaires

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Mais comment a-t-on pu accuser Vincent Bolloré de censure ?

Dans quel moment d'égarement ? Comment l'accuser d'intentions guignolicides (tiens, à propos, les marionnettes ne sont pas encore revenues à l'antenne) ? Comment l'accuser d'avoir censuré ce fameux documentaire sur le Crédit Mutuel ? Jusqu'à présent, Bolloré avait semblé livrer de semi-aveux, en semi-public. Revenant sur ces semi-aveux, il vient de fournir un alibi imparable. C'était hier, sur la scène de l'Olympia (propriété de Vivendi), devant les personnels du groupe : deux membres de sa famille étaient dans les commandos Kieffer, qui ont débarqué avec les Alliés le 6 juin 44 (récupérée par @si, la video de ce récit épique est ici). Il ne nous dit rien sur ses ancêtres à la bataille de Sedan, en 1870, ou pendant la campagne de Russie. Mais il suffit sans doute d'attendre.

Meilleure preuve que Vincent Bolloré n'a rien à se reprocher : le petit montage projeté à cette occasion, et forcément fabriqué par les services de communication interne du groupe. Tenez-vous bien : ce montage fait allusion au documentaire Crédit Mutuel. Oh, une allusion très allusive. Pour la repérer, il a fallu toute la vigilance de notre cellule de bollorélogie. C'est ici, à la trentième seconde.

Vous avez entendu ? Il y a exactement treize mots :"C'est une histoire qui ne va pas plaire à tout le monde". Et cette histoire, qu'est-ce que c'est ? C'est celle du documentaire, de l'obsédant documentaire, tel qu'il était présenté dans la bande-annonce de France 3, reprise dans le Zapping de Canal+ (reprise qui avait immédiatement fait courir des rumeurs de suppression du Zapping). Le public de l'Olympia n'en saura rien : dans le court extrait introduit dans le montage, le nom "Crédit Mutuel" n'est évidemment pas prononcé.

Est-ce une "petite main" facétieuse qui a glissé ces treize mots dans la video corporate ? Est-ce un communicant, aussitôt terrifié de sa folle audace ? Il y a deux manières de s'y prendre avec les fantômes. Soit, on fait semblant de ne pas les voir. On n'y croit pas. Soit, on les affronte, les yeux dans les yeux, d'homme à fantôme. Bolloré est entre les deux, poursuivi qu'il est par le fantôme de sa censure inaugurale, qui n'a pas fini de lui chatouiller les pieds, comme le fantôme du Fouquet's poursuivit Sarkozy tout au long de son quinquennat. Après tout, les fantômes sont là pour ça.

Deux lanceurs d'alerte du Crédit Mutuel seront sur notre plateau aujourd'hui, pour une émission à l'occasion du salon du livre des lanceurs d'alerte. Promis, on ne leur demandera pas s'ils avaient des ancêtres au Débarquement.

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