Blanquer-Cabana : ces affaires qui nous regardent

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 83 commentaires

Elles sont embarrassantes, toutes ces histoires qui ne nous regardent pas, et qui nous regardent quand même, elles, de toute leur puissance symbolique. Un homme et une femme, tous deux engagés par ailleurs, tombent amoureux. Devant l'évidence de cet amour, ils l'officialisent. Pas n'importe où : dans l'hebdomadaire Voici. Il faut dire que lui est ministre de l'Éducation, et elle journaliste politique, au JDD, à BFM, et sur la chaîne franco-israélienne I24News. Et alors ? Pour autant, cela nous regarde-t-il ? D'autant, précise bien Voici, que le JDD, dans sa grande rigueur déontologique, a aussitôt déplacé l'intéressée, Anna Cabana, du service politique vers la rubrique "livres" (Bien pratique, la rubrique "livres", dans la presse. C'est aussi là qu'avait été déplacée Valérie Trierweiler, alors compagne de François Hollande. Ou placée Penelope Fillon, à la Revue des deux mondes).

Donc tout va bien. Cette histoire privée ne devrait pas nous regarder. On ne devrait pas devoir réécouter les interventions d'Anna Cabana sur le plateau de BFM, comme par exemple celle-ci, qu'exhume un malicieux réseau social bien connu.

Et pourtant voilà. On est là, à tenter de réinterpréter ces mots, à la lumière de ce que nous apprenons de la relation entre la journaliste et le ministre. Faut-il retenir de cette intervention de Cabana que Macron "impressionne tout le monde autour de lui", avec sa chimie "assez exceptionnelle" (appréciation plutôt sympathique pour le pouvoir) ou bien qu'elle analyse cette chimie exceptionnelle comme  "paralysant le fonctionnement autour de lui", de ses conseillers et de ses ministres, ce qui est moins sympathique ? On est là, à tenter de reconstruire l'histoire, à partir de photos anciennes

Selon l'identité et ce que l'on sait des relations de la personne qui le prononce, la même phrase, le même énoncé, ne prennent pas le même sens. Là aussi, comme dans d'autres cas, ce qui pourrait n'être qu'une histoire personnelle fait système, et décrit en l'occurrence quelque chose, non seulement des relations entre les médias dominants et le pouvoir, mais aussi peut-être des relations hommes femmes dans ces milieux-là (pourquoi les couples ministre / journaliste sont-ils toujours aussi genrés) ? Autant de raisons pour lesquelles on est tout de même obligés de s'intéresser à ces choses qui ne nous regardent pas, mais qui, elles, nous regardent.


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